Poursuite de l'analyse sémiologique réalisée entre début 2007 sur les contextes et les formats publicitaires. Nous allons passer en revue le panorama des formats publicitaires online permettant de rendre la communication des marques acceptable.
D Les sites de partage
Deux éléments parmi les caractéristique d’internet déterminent en partie la réception des publicités vidéos sur les sites de partage.
- Un média de stock où l’internaute a l’initiative. Les contenus sur Internet sont disponibles dans une vaste réserve, un stock stock immense d’éléments de toutes natures (textes, films, musique), que l’on peut solliciter à volonté, par le truchement du caractère feuilleté du média. Le surf sur Internet s’apparente à une immense chasse aux trésors de toutes sortes de documents, contrairement à la TV classique où le programme impose sa loi.
Cette dimension suppose que c’est le récepteur qui est maître de la structuration et de l’organisation de son temps, et non l’émetteur. A la TV, les programmes peuvent être rediffusés, mais le spectateur n’est pas maître du temps, et du nombre de fois où il accède aux contenus. Sur Internet, c’est le pôle « récepteur » qui a l’intelligence et la maîtrise du temps.
- Un média communautaire : le récepteur du programme TV est construit comme une cible anonyme, une audience des gens qui peuvent être comptabilisés mais ne forment pas communauté.
Si les téléspectateurs peuvent s’imaginer comme communauté,à de rares occasions, ils ne peuvent néanmoins pas échanger de contenus entre eux, à la différence des internautes qui peuvent échanger, s’envoyer des films, interagir en groupes, en réseaux autour des programmes qu’ils ont reçu.
TV |
Sites de Partage |
Mode push |
Mode Pull |
Format limité |
Peut être plus longue |
Ne circule pas au sein de la communauté |
Peut être échangée, notée, commentée en communauté |
Flux unilatéral |
Flux multidirectionnel |
D Vidéos apparaissant sur des mini sites
Le double statut de la publicité
Site de partage |
Portail généraliste
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Document |
Publicité / réclame
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Pub choisie |
Pub subie
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Peut se permettre d’être longue |
Doit être plus courte
|
Sur un site de partage, la publicité n’apparaît pas comme publicité, elle apparaît avec un statut de document.
Internet se conçoit en effet comme un média de stock, une grande réserve qui donne accès à une diversité de documents, dont la publicité fait partie. Elle est dans ce cas un document parmi d’autres.
Sur un site généraliste, la publicité n’a pas un statut de document. Elle a un statut clairement publicitaire, elle occupe un espace publicitaire, appartient au genre publicitaire et correspond à des attentes instituées, codifiées, y compris dans le temps.
Dans ce contexte de site, la publicité semble devoir respecter plusieurs contraintes :
- D’une part, elle est moins tolérée, elle est un contenu parasitaire, et doit être plus court.
- D’autre part, elle pose le problème de la pénibilité du mouvement, des saccades, des clignotements qui peuvent gêner la navigation : la publicité peut agacer rapidement, surtout si elle est répétitive, et heurte la rétine.
Nota Bene : le respect dû à l’internaute oblige la publicité à veiller au montage vidéo, à éviter les coupes et les changements de plans trop brusques, à valoriser le fondu enchaîné, etc.
Cela doit inviter à lisser ou calmer les effets qui se veulent une pure excitation ou clignotement ou sollicitation de l’internaute.
En revanche, les effets de « bougé », de « caméra à l’épaule » et de film « amateur », qui sont le propre de l’esthétique web, n’ont pas à être gommés sous prétexte de respect dû à l’internaute. L’esthétique du film amateur ne se présente pas comme une sollicitation, et peut en ce sens être conservée.
D Les formats hybrides : la vidéo de Madonna pour H&M
Le spot publicitaire pour H&M avec Madonna illustre quelque-unes des nouvelles possibilités de formats publicitaires.
D’abord, le spot se présente comme un objet hybride, un objet plastique que l’on peut voir de façons différentes, avec plusieurs motivations de lecture, entre le spot et le clip vidéo.
I. On voit qu’il s’agit d’une publicité pour H&M
II. Il s’agit d’une histoire qui a elle-même un intérêt propre, dans le milieu de la mode
III. On y reconnaît Madonna, et le spot contient des éléments dansé, avec des effets de rythme : c’est aussi bien un clip vidéo
Ensuite, le spot se présente comme une matrice pour produire à la fois :
I. De l’image fixe, avec des affiches où l’on voit Madonna
II. De l’image animée, ou des mini-films, qui chacun pourraient insister sur un aspect de la vidéo (une chanson de Madonna, un défilé de mode pour H&M, une pub pour H&M, une émission de télé réalité du type relooking extrême, etc)
La richesse de l’espace disponible sur Internet permet d’imaginer des sagas, des collections de films qui chacun éclaireraient un angle particulier de l’univers de Madonna et de H&M.
D Les renvois entre médias
Par ailleurs, le spot existe avec des durées différentes, et joue d’un effet de renvoi entre les médias.
Lorsque la TV diffuse des spots qui sont en fait des teasers pour une publicité en version longue disponible sur Internet, une nouvelle hiérarchie des médias se dessine, où la TV devient un tremplin vers le web, avec un appel pour aller sur Internet le « vrai film ».
De la même manière que la bande-annonce diffusée sur Internet invite à voir le film en entier, la publicité sur la TV devient une bande-annonce pour la publicité en version longue sur Internet.
Les possibilités offertes par Internet supposent que l’on développe de plus en plus ces objets hybrides qui s’appuient sur des renvois intermédias, et permettent de concevoir et d’orchestrer de multiples jeux de renvois, entre notamment :
- La TV vers le web
- Du Web vers le web, avec des teasers disposés sur des sites renvoyant vers des mini-sites.
Aujourd’hui les jeux de renvois entre la TV et Internet, ou entre la presse et Internet se limitent souvent à une url, une invitation à consulter un site. Or les exemples cités ci-dessous permettent d’entrevoir des modalités plus sophistiquées, avec des teasers et des informations partielles que l’on demande au spectateur de développer lui-même. |
D Le spectateur dédoublé
Ce jeu sur la tension intermédiatique permet de jouer sur le dédoublement de l’identité du récepteur, qui se projette comme spectateur plus avisé que la majorité de ses camarades :
- il y a le récepteur « naïf » d’une part, qui ne ferait que voir le spot à la TV
- il y a un récepteur « malin », qui sait que le spot diffusé en TV n’est que la partie émergée d’un iceberg que lui-même, en tant qu’il est avisé, va pouvoir explorer sur le web
De tels dispositifs permettent aux spectateurs de se considérer eux-mêmes comme des spectateurs « malins », qui en savent plus que les naïfs qui s’arrêtent au film TV, et avertis du fait qu’il y a plus à voir dans le spot que ce qui est proposé en TV.
En donnant accès à des making off, des films en série ou des versions originales, l’annonceur construit ainsi un mécanisme de double énonciation, en prétendant s’adresser au spectateur malin en chacun de nous.
Ainsi non seulement l’objet est hybride, mais il construit un spectateur dédoublé, qui n’est plus simplement passif, mais désigné comme un récepteur engagé, actif, qui est aussi internaute et lecteur d’un média non contrôlé. |
D Vers une hybridation croissante
Auparavant les dispositifs publicitaires classiques ne prévoyaient pas forcément de lien construit entre l’espace TV et l’espace online.
Désormais les interactions sont vouées à devenir toujours plus complexes et subtiles, en utilisant des ambiguïtés du genre de H&M.
I. S’agit il d’un clip ou Madonna porte du H&M ?
II. Ou d’une publicité où Madonna est actrice ?
Les univers se démultiplient dans ce co-branding :
III. HM récupère l’univers de la musique
IV. Madonna récupère l’univers de la mode, où elle devient prescriptrice de mode.
Ce jeu de superpositions d’univers et de mélanges des genres paraît facilité par la circulation nouvelle permise par Internet, avec la rencontre de formats et d’univers différents :
I. Jeu sur des superpositions d’univers thématiques
II. Mélanges des genres (pub / clip)
III. Double registre de médias (internet / TV)
On va assister de plus en plus à des interactions de genres et de registres d’expressions.
Le mélange d’une pub est d’un clip est une forme d’hybridation relativement rare. L’hybridation la plus fréquente est la publicité conçue comme un mini-film de divertissement. Mais toutes ces formes d’hybridation témoignent d’une même logique à l’œuvre grâce à Internet. |
D Mini-sites de marque et branded entertainment
La nouvelle tendance du branded entertainement est l’une des possibiltés offerte par l’espace immense du web, qui permet aux annonceurs de développer librement la créativité, sans contrainte de temps ou d’espace.
L’espace d’expression des marques en TV était très contraignant. A partir du moment elles passent sur un média illimité, leur mode d’expression devient illimité.
Le site de la DARE de Wilkinson est un exemple d’utilisation de cet espace. avec gens qui se rasent seulement la moitié de la barbe.
D Le paysage des vidéos
1. Les films simples, linéaires, inspirés du modèle tv
i. In page
ii. In stream
2. Les mini-films advertisements, documents
3. Les films en série, en famille, avec dispositifs teaser
4. Les films avec autre contenu associé texte, habillage, colers, environnement, print. « débordent » habillent les pages
5. Les films interactifs
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