Voici un article sur la question de la vidéo in stream et plus précisément sur l’acceptabilité de la publicité vidéo pré-roll. Les dispositifs d'intégration de la publicité instream aux USA prennent tout à fait compte les points soulevés ci-dessous. Voir à ce sujet l'article consacré à l'intégration pub dans la catch-up américaine.
La diffusion de vidéo en pré-roll paraît d’un côté relativement contradictoire avec la logique de contrôle d’Internet :
- L’Internet ne contrôle pas la publicité
- Il est rivé à la publicité dans un tunnel temporel qui ressemble à la logique TV
- Il peut penser s’être trompé en voyant s’afficher une vidéo publicitaire à laquelle il ne s’attendait pas
De fait, la diffusion de vidéo en pré-roll ou introductive suscite des réactions de rejet parfois très virulentes : on attendais une info, un contenu, et à la place on obtient une publicité.
L’essentiel consiste à respecter le sentiment de contrôle de l’internaute, et de ne pas suggérer qu’on puisse rompre ou piéger l’internaute.
Le propre de la pub est qu’elle n’est jamais demandée : personne ne désire spontanément s’exposer à la publicité strictement commerciale. Le contrat implicite consiste à racheter la publicité, à la rendre acceptable, par diverses stratégies.
À mesure que le média sera plus familier, les internautes seront habitués à s’exposer à de la publicité en échange de contenus gratuits. Mais cette simple acceptation passive ne suffit pas. Pour favoriser l’adhésion, et construire une prédisposition favorable à la publicité, il existe diverses stratégies d’intégration de la publicité.
D La justification par l’avertissement.
Une première stratégie de légitimation de la publicité conciste tout simplement à avertir l’internaute qu’il va regarder une publicité : il n’est pas pris au dépourvu, la publicité est annoncée.
Cette logique de secteur public (INA, France 3) constitue un premier niveau de légitimation. Il revêt un degré de justification plus faible que d’autres stratégies plus complexes qui au lieu de présenter la publicité comme un passage obligé dont on cherche à se dédouaner, présentent la publicité comme un avantage positif (voir ci-après).
D Justifier par un temps de chargement / intermède
La publicité peut se présenter comme un intermède, et remplir un temps qui, autrement, aurait été vide. C’est le principe de l’intermède du cinéma / théâtre d’autrefois : en attendant que l’orchestre ou les acteurs se mettent en place, on propose un mini-spectacle.
L’enjeu consiste ici à renverser le statut de la publicité, intrusive et non désirée, en avantage positif et même une quasi-gratification, puisqu’elle remplit un temps où il aurait fallu attendre. La publicité devient le pis aller d’un temps vide, une proposition de contenu qui vaut ce qu’elle vaut mais qui fait patienter.
La diffusion de ce type de vidéo préliminaire peut aussi être justifiée par un temps de chargement nécessaire pour la vidéo principale attendue ? C’est le cas sur Allociné, suivant un principe qui remporte la plupart des suffrages : « chargement : votre vidéo commence dans 6 secondes… »
Ce temps de latence, comparable aux musiques d’attente dans le téléphone, peut être accepté à condition toutefois de présenter clairement les choses ainsi,
- En affichant le temps de chargement en question.
- En mentionnant un avertissement textuel « votre vidéo se charge »
- En affichant une barre de chargement
Dans le cas contraire, l’internaute peut avoir le sentiment d’être pris en otage de la publicité.
Cette justification par le temps de chargement ne suffit pas toujours, et peut se retourner contre l’annonceur ou le site, peut être perçue comme un jeu de dupe, et risque de l’être à mesure que l’éducation au média se fera.
En effet, certains répondants s’interrogent sur la raison pourquoi la publicité, elle, ne requiert pas de temps de chargement. Elle est parfois déjà que la publicité est en elle-même un contenu.
D Justifier par le sponsoring / parrainage du contenu
L’autre mode privilégié de légitimation de la présence publicitaire est le sponsoring / parrainage, importé du modèle TV. L’annonceur apparaît comme un sponsor du contenu délivré.
Le sponsoring peut d’ailleurs tout aussi bien être mis en scène via un spot vidéo introductif au contenu, ou par un encart fixe à proximité du contenu diffusé, ou par une combinaison de ces dispositifs.
Dans tous les cas, la publicité apparaît comme une accompagnatrice logée dans les espaces périphériques ou secondaires, subordonnée à l’action principale. La publicité continue d’occuper les interstices vidéos et non vidéos des pages où elle s’insère.
C’est le cas par exemple des annonces pour Darty en introduction de la météo sur France 2 : on sait que Darty présente et anime la météo, mais il est clair que ce n’est pas Darty qui fabrique et réalise le contenu.
Pour revenir réellement au centre de l’action, l’annonceur peut choisir non plus seulement de « parrainer » ou de « soutenir » un contenu, mais de faire « comme si » il le produisait réellement. C’est le cas par exemple lorsque la marque Dell parraine une chaîne de contenus informatique sur un portail : il est tout à fait possible que la marque Dell, compte tenu de son expertise informatique, ait réellement participé au contenu proposé.
Publicité
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Sponsoring et parrainage |
Annonceur énonciateur |
Statut marginal et secondaire, sans rapport avec le sujet principal recherché : la publicité |
Statut marginal et secondaire, en lien (de forme ou de fond) avec le contenu diffusé
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Statut central, énonciateur / producteur : la marque produit elle-même le contenu |
Ce dispositif de parrainage peut être particulièrement utile en mode pré-roll, dans la mesure où l’effet contexte est renforcé : l’internaute a cliqué pour voir un contenu précis, il anticipe par conséquent un univers de valeurs bien délimité. L’exigence d’affinité au contexte n’en est que plus fort.
D Délai ou interruption ?
La publicité est le plus souvent un organisme parasitaire : il emprunte le système de vie d’un autre être vivant pour subsister, et se greffe sur un autre contenu pour être remarqué.
Les spectateurs aujourd’hui sont habitués à ce que pub vienne en parasite d’autre chose. Et ce parasitage paraît d’autant plus « naturel » que le contenu visionné est gratuit : comme on a pas payé le service, on accepte de se laisser adresser un message pub comme une prime, une taxe payée pour avoir accès à un service gratuit.
Sur Internet, cette acceptation peut être moins évidente, dans la mesure où l’internaute a la maîtrise de son contenu. Le seuil de supportabilité de la publicité est abaissé et la publicité plus rapidement perçue comme intrusive.
La publicité en pré-roll consiste en une intrusion dans le temps : la publicité diffère l’accès au contenu en obligeant le spectateur à passer par un écran publicité. Prisonnier d’une sorte de tunnel, le spectateur doit en passer par la publicité pour atteindre sa destination.
Il existe plusieurs façon de construire l’acceptabilité de ce type de présence :
I. En maintenant la liberté de choix, par un système grâce auquel on pourrait passer la publicité, et conserver sa liberté (l’équivalent de la croix sur les pop ups)
II. Par une qualité telle que la publicité rachèterait la contrainte de sa présence.
III. Par une affinité telle au contenu que la publicité se présente comme un service supplémentaire et complémentaire du service recherché.
Pub Pré-roll |
Ecran Pub Tv
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Un délai, un temps d’attente avant le contenu demandé
Le mot « préroll » convient bien, car la publicité n’est pas « dans le flux » (in stream) mais bien « avant » le contenu.
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Une suspension, un temps d’arrêt au milieu d’une émission
La publicité TV est la seule véritablement « in stream », au milieu d’un flux. |
Un contenu se substitue au contenu demandé, et peut être perçu comme un mensonge.
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Temps dans lequel je suis libre, je peux partir. Rien ne m’oblige à rester. |
Internet est un média du temps court, de l’immédiat : je demande un contenu et je l’obtiens. Dans ce cas, l’interposition d’une publicité est plus problématique, et doit être aménagée en conséquence. |
La TV vit sur le temps long, je m’installe devant le poste et je regarde un flux illimité |
Quand contrat sera connu, de la même façon que pour écrans pubs, l’internaute aura l’habitude.
Jusqu’à aujourd’hui, ce qui a dominé sur Internet était l’espace, un mode spatial de présence, et non temporel. La mise en ligne de vidéo est en train de donner une nouvelle dimension à l’Internet qui était déjà spatialement feuilleté, et qui devient progressivement un réseau de flux temporels.
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