Le média Internet se décrit volontiers comme un espace, et même comme un espace profond, alors qu’en réalité il correspond plutôt à un système de modules, infiniment fragmenté et parcellarisé en des millions de fenêtres (windowing), et de zones emboîtées ou enchâssées les unes dans les autres. L'analyse est illustrée par des exemples de début 2007.
Internet renouvelle le rapport traditionnel de lecture en ce qu’il substitue un espace continu et linéaire un univers infiniment discontinu et fragmenté.
Cette modularité se manifeste de deux façons :
- Soit par enchâssement de fenêtres en profondeur
- Soit par étalage et dispatching de zones réparties sur la page, et qui apparaissent comme des cases, des bulles, des fenêtres, des phylactères, dont les frontières peuvent être floues.
L’étalage de plusieurs zones sur une même page peut à son tour obéir à plusieurs règles :
- Soit par le découpage de la page/écran en zones bien délimitées, dans des cadres. Des blocs de textes sont isolés, et chapeautés par des titres de fenêtres ad hoc.
- Soit par la mise en avant sur la page d’objets qui transforment l’apparence de la souris et se signalent ainsi comme autant de points remarquables.
Ces modules différents peuvent appartenir à des registres sémiotiques différents : un texte à coté d’une image, ou d’une vidéo, ou d’une barre de défilement d’un contenu audio. Certains de ces modules peuvent être activables et réagir au roll over, d’autres peuvent rester inertes.
C’est dans ce sens qu’Internet est proprement multimédia, et tranche avec d’autres support presse ou TV dont les contenus diffusés sont homogènes entre eux.
D Combiner le film vidéo et l’affiche
Cette capacité du média à juxtaposer différents éléments, de formats et de statuts variés permet des adaptations considérables du matériel vidéo TV importé sur le web.
Si l’on regarde par exemple les deux grands registres traditionnels de communication sur le cinéma :
- L’affiche du film, ou les images fixes. Il est tout à fait possible de communiquer sur du cinéma de cette façon. Dans ce cas, on informe les gens sur la date de sortie et l’existence du film, avec quelques images, mais on délivre un message qui n’est pas de la même nature sémiotique que le film, et qui ne permet pas réellement de s’en faire une idée.
- La bande annonce. Une publicité pour un film ne peut pas se contenter de donner des informations, il faut en plus qu’elle échantillonne le film, qu’elle donne un avant goût de l’ambiance, pour anticiper le spectacle et justifier l’achat d’un ticket.
Ce système affiche/film s’est développé dans un contexte où il n’y avait pas d’autre moyen, et où il était impossible de combiner les avantages des deux formats sur un même support.
Avec Internet, il est possible de combiner les avantages de l’affiche et du film sur le même message, en faisant à la fois du fixe et du mobile.
Dans l’exemple X-Men, les deux registres fixes et mobiles ont été combinés grâce à l’Internet, ce qui n’était pas possible auparavant :
- Il y a une partie fixe, avec l’image du héros et le titre du film. Cette partie permet de créer une ambiance et de garder à’esprit le titre et la date de sortie pendant toute la durée du film, et au-delà.
- On voit une bande-annonce avec des scènes représentatives, et l’on comprend bien qu’il s’agit d’une bande annonce qui fait goûter par avance les qualités cinématographiques du film.
Le format d’Allociné mêle encore plus étroitement les deux format, car le pavé vidéo épouse totalement la forme de l’affiche et la bande annonce défile sur l’affiche elle-même.
Le système de l’affiche, qui fait partie de la culture des spectateurs de cinéma, est ici reprise à un niveau supérieur. Le spectateur n’a plus à choisir entre un affichage statique et une bande-annonce. Le support permet de mixer les deux modalités sémiotiques.
Pour le cinéma, ce dispositif combinant à la fois affiche et bande annonce paraît très adapté, car il donne un accès direct à la matière même du film. Il est en affinité avec le médium, tout en donnant en permanence une série d’information sur le titre, la date de sortie, les acteurs, que les bandes-annonces classiques ne diffusent que furtivement, à la fin.
Par rapport à ces formats, les communications simplement flash paraissent beaucoup plus pauvres, et moins adaptées.
- D’une part parce qu’en ne donnant pas à voir un échantillon du film, elles ne respectent pas le contrat de lecture de la communication sur le cinéma, qui consiste à donner un échantillon du film, surtout sur Internet où les sites spécialisés donnent facilement accès aux bandes annonces.
- D’autre part parce qu’elles ne tirent pas pleinement partie de leur insertion sur Internet. Dans l’exemple donné, la petite animation est introduite par une ouverture de porte blindée, et se termine par une fermeture de coffre sont des indices de l’accès, ou de l’entrée dans, mais le contenu en question reste très limité.
D Combiner l’image et le son
Internet permet de combiner image fixe et image vidéo, il permet aussi de combiner le son et l’image.
A la différence de la tv, où le son et l’image sont conçus pour aller ensemble, sur Internet son et image ne sont pas forcément corrélés, ce qui ouvre la voie de dispositifs créatifs nouveaux.
Cette dissociation peut être utilisée comme Teasing, si l’image muette incite à mettre le son, ou des effets de décalage entre l’image et le son. Elle permet aussi de signaler à l’internaute qu’on lui laisse le choix de mettre le son ou pas, on ne lui impose pas des structures non choisies.
La possibilité offerte d’actualiser le son ou non s’inscrit dans cette même dynamique de suggestion, d’incitation donnée à cliquer pour enrichir son expérience de la marque.
Le son peut être déclenché automatiquement par défaut s’il n’est pas perturbateur d’une activité en cours : il faut par conséquent anticiper s’il n’y a pas su la page une activité u contenu contradictoire avec le son (ex un texte où faut se concentrer / une sonnerie forte).
Par conséquent, il y a une règle d’harmonie à respecter dans la gestion du son.
- En majeur, il vaut mieux ne pas activer le son par défaut, et laisser à l’internaute le soin de mettre le son, par roll over ou autre
- En fonction du contexte, le son peut venir renforcer la vidéo et être le bienvenu
- Dans tous les cas, l’activation du son doit être claire
D Internet, le multimédia et l’audiovisuel
Les exemples de publicité vidéo online montrent la dissociation du son et de l’image sur Internet. Contrairement à la télé, que l’on regarde et écoute en même temps, Internet n’est PAS un média audiovisuel. Le son et l’image n’y sont pas des concomitants permanents, et il est possible de les dissocier, ce qui permet des effets créatifs jusque-là inédit :
- on peut voir images sans son
- on peut avoir du son sans image
Les deux exemples de publicité pour Citroën (Dallas) et Brokeback Moutain jouent des effets de décalage et de convergence entre l’image et le son :
§ Dans le spot Dallas, l’image intrigue et invite à mettre le son pour entendre « Dallas » et donner sens à l’homme en tenue de cow boy.
§ Dans le spot pour Canal Plus sur le film Brokeback moutain, toute l’idée du film repose justement sur le décalage entre le discours d’une des deux femmes, qui parle d’un film, et les images projetées par son interlocutrice, qui n’a pas vu le film et s’image tout autre chose que la réalité.
Les canaux sonores, visuels, textuels deviennent dissociables et cette dissociabilité pour créer des structures d’appel, de la nouveauté, et déplacer les frontières de la liberté de l’internaute : qu’est-ce qu’on laisse comme liberté, qu’est-ce qu’on lui impose ?
D Un exemple de vidéo avec contenu associé : MSN vidéo
Les formats publicitaires proposés par MSN Vidéo ont l’avantage de tirer parti de la modularité d’Internet, en juxtaposant des contenus vidéos, textuels, sonores et visuels de façon à construire un environnement publicitaire fragmenté et multiforme, très structuré et très impactant.
Le site MSN tire avantage d’une structuration de la page en deux parties latérales :
- A gauche, une zone vidéo animée et narrative (à gauche)
- A droite, une zone d’éléments fixe (à droite).
La vidéo publicitaire diffusée in-stream avant le contenu vidéo sélectionné s’affiche pendant qu’au même moment défilent à droite d’autres indications sur le produit (gamme, prix, offre spéciale, etc.).
Ce dispositif permet de garder à l’écran le nom de la marque en permanence, et d’écrire en même temps l’essentiel de ce qui est présenté en vidéo à gauche.
L’intérêt de ce dispositif consiste à jouer sur la concomitance de l’image, du son et du texte, qui proviennent chacun simultanément de sources différentes, ce qui permet d’isoler un canal et de combiner leurs avantages respectifs.
Ce dispositif intensifie considérablement la présence de l’information.
Ecran TV
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Ecran Internet |
Un flux homogène
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Un écran fragmenté |
Exacte synchronisation et simultanéité du visuel et du sonore
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Désynchronisation du visuel, et textuel et sonore |
Ce dispositif permet également les opérations de sponsoring, car la publicité peut apparaître comme le sponsor de l’information délivrée. C’est une autre manière de se rendre acceptable pour la publicité.
Comment se rendre acceptable…
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Prévenir de la diffusion d’une vidéo
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Prévenir d’un temps de chargement
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Sponsoriser un contenu en affinité avec les valeurs de marque
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Soigner le contenu de la vidéo dans ses aspects esthétiques et de fond
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Commentaires
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