Nous continuons l'analyse sémiologique de l'espace internet (réalisée début 2007) en étudiant comme internet fonctionne comme un média de réserve
Internet se présente à l’internaute comme un double espace, ou un espace à plusieurs « couches » :
- Le premier espace est un espace explorable et clos, c’est l’espace de la page web, qui s’affiche sur l’écran.
- Le second espace est espace illimité, c’est l’espace du réseau. Il se tient « en réserve », en « arrière plan » du premier espace, et s’appréhende comme un « monde », qui n’est pas un territoire défini dont on pourrait assigner les limites. Il est impossible de disposer d’une représentation a priori ni de son contenu, ni de son étendue, ni de sa structure.
La page Internet n’est donc pas seulement une surface bosselée et sensible, elle est la partie visible d’un iceberg de contenus emboîtés, enchâssés, superposés. Internet répond à une structure feuilletée, à un espace multi-couches où des pages se superposent les unes aux autres et peuvent être appelées à venir s’afficher en premier plan par l’internaute, via l’exploration sensible et le clic sur surface actualisée
Une des spécificités d’Internet est d’être un média dont la majorité des contenus reste « en latence », « en réserve », à l’arrière-plan du premier espace disponible sous les yeux.
L’écran sert donc d’interface entre plusieurs espaces, celui illimité et indéfiniment ramifié du réseau, et celui de la page.
Le réseau
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La page web |
Une profondeur
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Une surface |
Imaginaire de « l’entrée dans »
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Imaginaire du « rouleau » à scroller |
La navigation
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La visite |
D L’imaginaire de « l’entrée dans »
La page web est la partie visible d’un réseau qui semble se tenir « derrière » la page et dans lequel on peut « entrer » grâce à un système de renvois, de liens hypertextes, d’onglets, etc.
Les barres de menu et les onglets sont les signes qui fonctionnent comme des indices de la profondeur : ils donnent à l’avance les différentes pièces constitutives de l’architecture intérieure du site lorsque l’on va pénétrer à l’intérieur du site.
Sur Internet, les menus et les listes ne sont pas de simples listes récapitulatives inertes, comme une liste de course, mais ce sont des options, des commandes que l’on peut activer pour un parcours dans le « possible ». Elles sont réactives, et l’on peut choisir tel ou tel terme listé, pour accéder à une autre page.
Ce sont des indices, sur la surface de la page d’accueil, qu’il existe une profondeur spatiale, qui évoque un imaginaire de « l’entrée dans » l’espace du possible.
Internet réalise finalement un tour de force de susciter un imaginaire de la profondeur — l’espace feuilleté — alors que l’on reste bien sûr toujours uniquement sur un écran plat. C’est pourquoi le site est « imaginarisé » comme un seuil, une voie d’accès, un « portail » d’entrée. On imagine comme espace quelque chose qui n’est pas un espace, et l’on utilise des termes architecturaux tridimensionnels pour désigner quelque chose qui n’est qu’un plan, le plan de la page-écran.
Le format Internet fait bien éclater le format de la page traditionnelle de type imprimée, qui n’est qu’une simple surface, en faisant naître l’idée d’une profondeur à explorer, et apporte une troisième dimension dans la relation au média.
Cette logique de l’enchâssement et de l’emboîtement renforce le sentiment d’une exploration infinie : plus on entre dans les fenêtres, plus on a de possibilités nouvelles à explorer, des embranchements nouveaux à visiter.
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