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Depuis la sortie du film “les Visiteurs” en 1994, la société QualiQuanti évalue régulièrement l’impact et la perception des placements de produit au cinéma.
Pour aborder ce domaine, QualiQuanti a analysé les différents types d’intégration et a mis au point une grille de réflexion sur l’intégration des produits au sein des scenarii.
Cette analyse inédite permet de réfléchir aux conditions d’utilisation de ce mode de communication notamment en comparaison avec la publicité et aux méthodes d’évaluation à mettre en place.aaa
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I/ La problématique du placement de produitsaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa
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L’analyse de 200 cas de placements de produits français et américains montre que ce mode de communication se situe entre deux extrêmes :
− objet trop manifestement placé pour faire de la publicité : l’objet trouble la distance fictionnelle en faisant irruption (comme une coupure publicitaire). A ce moment-là, on ne perçoit pas le produit mais on perçoit son placement.
− objet dont la présence est tellement naturelle et évidente qu’il passe inaperçu. Entre la présence “publicitaire” gênante et l’imperceptibilité, il y a un espace pour le fonctionnement du produit dans l’histoire.a
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Or, il y a deux façons de s’intégrer dans l’histoire :
− intégration dans le contexte (fonctionne par association), dans le décor, et alors le produit fait partie de l’élément “descriptif” (ex : les poteaux électriques d’EDF).
− fonction dans l’histoire (ne serait-ce que comme un accident), et alors le produit “joue un rôle” dans la narration (ex : le dentifrice Émail Diamant ou la Carte Bleue qui ont une fonction narrative).aa
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En effet, la théorie structurale des récits (cf Roland Barthes) montre qu’un récit est toujours constitué par ces deux aspects : fonction narrative et expansion (descriptive). Les produits prennent place relativement à ces deux aspects. Le scénario des Visiteurs est construit pour attirer l’attention du spectateur sur des objets à découvrir. Les personnages des Visiteurs se heurtent avec des objets contemporains. Le seul fait de la rencontre attire l’attention du spectateur sur les objets. C’est donc, par excellence, l’exemple d’un bon scénario dont tout le contexte fonctionne de façon narrative.aa
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La présence du produit implique d’une part qu’on y fasse référence et d’autre part qu’on en mette en évidence l’usage :a
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A. La référenceaaaa
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Il faut d’abord que l’attention soit attirée sur le produit : c’est la référence.
− produit simplement montré : les produits placés fonctionnent comme un inventaire du monde contemporain et peuvent être pris au premier degré comme l’actualisation d’une référence quotidienne d’aujourd’hui. A ce niveau, ce qui compte c’est le choix de ce qui est montré. A un deuxième niveau, le produit placé peut être pointé ou mis en valeur avec un avantage.
− produit nommé : on reconnaît la Safrane, qui n’a pas besoin d’être nommée alors que les vestes Hartwood ont besoin d’être nommées; de même les médicaments “Dragonal” qui sont imperceptibles.
− produit montré du doigt : mise en exergue narrative (fonction de souligner l’aspect sur lequel l’objet apparaît). Cette fonction est très importante dans un contexte d’inscrutabilité de la référence (cf ethnologie). Dénomination et désignation permettent de faire sortir le produit de l’anonymat du contexte.aa
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B. L’usagea
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Le produit, une fois qu’on a attiré l’attention sur lui, doit être mis en action pour que ses fonctionnalités apparaissent. On peut le faire par un usage conforme ou non conforme.
− usage normal : mise en fonction
− démonstration : dans 37°2, on assiste à la démonstration complète d’un Polaroïd à retardement.
− mésusage : expansion négative (nécessaire pour que le produit ne passe pas inaperçu, écart pour que le produit apparaisse).
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L’usage non-conforme correspond le plus souvent à une destruction du produit (bouteille de Chanel n°5 vidé dans la baignoire - mais le fait de verser du parfum correspond aux codes publicitaires de la marque Chanel -, Safrane et Range Rover abîmées dans les Visiteurs, veste Hartwood maculée).
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Dans les Visiteurs, la valeur des produits est souvent signifiée par une négation (renverser le Chanel n°5 est une façon d’évoquer sa rareté). Pour la Safrane, le fait qu’ils vomissent dedans invite à réfléchir au confort, l’odeur des pieds à la notion d’espace clos (sphère intime). Sont ainsi soulignées des choses auxquelles on ne fait plus attention. Par un effet de dépaysement, on peut mettre en valeur des aspects du produit sur lesquels notre attention n’est plus attirée. Le dépaysement permet d’éclairer des propriétés des produits; en particulier quand on utilise le produit à contresens.a
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Selon que l’usage du produit est simplement mise en acte, démontré, ou qu’il est utilisé à contre-emploi, différents types de messages en résultent. Par exemple, le simple emploi de telle voiture (la Safrane) est associé à un statut social particulier (puisqu’un film constitue un microcosme social où les différentes couches sociales sont représentées), constitue un message de congruité culturelle : il est congru qu’un médecin roule en Safrane. Cette voiture peut être mise en série avec d’autres produits dénotant le luxe (Chanel, Hermès, Lacoste,etc…).
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D’autre part, l’intégration d’un produit dans une fonction narrative, par exemple l’utilisation de la Carte Bleue comme moyen de paiement “miraculeux” lorsqu’il n’y a pas de liquide, met en évidence l’avantage produit mieux que dans une publicité. Mais un produit peut revêtir une fonction encore plus générale de “symbole de la civilisation” ou de la modernité en s’intégrant stratégiquement dans un scénario, comme la bouteille de Coca-Cola dans “Les dieux sont tombés sur la tête”, ce que la publicité a énormément de mal à mettre en scène.aaaaa
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C. Les modalités de présenceaaaaaaaaaaa
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En plus de la différence entre “rôle contextuel” et “rôle fonctionnel”, il faut distinguer deux modalités de présence de produits, selon qu’ils parviennent ou non créer une “dynamique” du placement. En effet, le placement de produits peut :
− soit donner lieu à des apparitions occasionnelles (Lindon mangeant un Lion dans l’Etudiante).
− soit structurer une séquence (La Poste, Air France, divers grandes surfaces fournissent un cadre pour un enchaînement d’actes).aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa
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Cela dépend du caractère plus ou moins “institutionnel” des marques. Car les marques peuvent :
− créer le contexte : certaines marques institution comme Air France ont parfois comme rôle de fournir un contexte de vie quotidienne française. Elles fournissent alors un “cadre” à la narration.
− s’inscrire dans le contexte : elles sont passivement présentes et “encadrées”.a
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La principale difficulté, comme on l’a vu, est de placer le produit de façon qu’il soit perçu sans que le placement soit perçu comme tel. Il y a plusieurs procédés pour éviter ces pièges :
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− l’animation du produit. La difficulté consiste à mettre le produit dans une situation qui soit ni banale, ni destructrice. Ainsi Lelouch, dans “Il y a des jours et des Lunes” met en scène les Renault (lavage, saut en plein tournage de pub,…) de telle sorte que celles-ci ne soient pas dans une situation “évidente” (rouler).
− la visualisation du produit. Lelouch construit également ses plans de manière à trouver un équilibre entre un plan assez rapproché pour voir la marque et suffisamment large pour comprendre le produit.
− l’intégration dramatique d’un testimonial. On peut mettre dans la bouche d’un personnage “étranger” ou “curieux” (comme un enfant par exemple) le discours du témoin d’un produit (admiration ou questionnement).
− l’intégration hypermédia. La fiction peut permettre d’associer les produits par des constructions hypermédia ou de mise en abîme. Dans “37°2 le matin”, Anglade est assis devant sa 1664 comme l’était le pianiste de la pub cinéma de cette marque.aa
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La présence de Match dans “Itinéraire d’un enfant gâté” joue sur plusieurs niveaux :
− évocation du magazine Match,
− évocation de Belmondo en tant qu’acteur,
− pub pour un Match qui pourrait être la couverture du Match consacré à Itinéraire.
Dans “Jurassic Park”, les produits dérivés Jurassic Park sont visibles au sein même du film.
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II/ Les différences publicité/placement de produit et les avantages du placementaa
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Le produit est intégré dans un univers complet et n’est pas isolé. Cela diffère du micro-univers ad hoc créé pour la pub. Le temps du film de fiction est plus long est favorise une meilleure absorption du téléspectateur.a
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Le message est plus crédible qu’en publicité car le spectateur ne perçoit pas la pub comme telle et n’érige pas de défenses. La défense contre le discours publicitaire est anesthésiée. Le dépaysement de la fiction permet d’éclairer le produit sous des angles inattendus, différents du “contrat réaliste” de la publicité.
Le produit est intégré dans une chaîne d’objets : ainsi le fait que Valérie Lemercier porte une chemise Lacoste puis un chemisier Hermès et roule en Safrane établit un chaînage entre ces marques. On peut parler d’isotopie de statut social et de construction de niveau de consommation.aaa
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Le produit peut avoir une multiplicité d’occurrences. La fiction offre l’opportunité de développer des testimoniaux fictionnels (on n’est pas obligé de choisir entre le testimonial et la fiction). Les produits peuvent constituer des éléments d’indice qu’il est utile de mémoriser pour l’histoire. Cette nécessité de retenir le produit, susceptible d’avoir un destin ultérieur, est un facteur de fixation d’intérêt.aaa
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La fiction est un support de projection et d’identification avec une notion d’apprentissage culturel. Dans les films, on apprend comment vivre et comment les autres vivent.a
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Alors que dans la publicité, on ne peut mettre en valeur qu’un seul avantage, dans la fiction, on peut éclairer différents aspects du produit même élémentaires. La fiction fournit des contextes de consommation permettant d’illustrer des usages et mésusages divers.aaa
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è Le placement de produits est une publicité plus vivante, plus ouverte.aaa
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Les inconvénients viennent du fait que l’intégration est parfois mal réalisée (difficile à contrôler) et qu’il n’y a pas d’effet de campagne (couverture + répétition dans un court laps de temps).
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III/ Recherche d’intégration et méthodes d’étudea
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Aller au-delà des associations de contextes évidentesa
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Les associations de produits ne fonctionnent pas seulement sur le contexte. L’analyse narratologique systématique d’un scénario peut permettre de dégager tous les axes sémantiques, les types d’univers évocables et de marques possibles. Les produits à placer ne sont pas seulement des associations de contexte évidents mais peuvent relever d’axes sémantiques sous-jacents. On peut mettre au point une méthode de travail de décodage de scénario pour proposer des placements.aaaa
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La perception et l’impact du placement de produitsa
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Ce qui compte pour le succès d’une opération, ce n’est pas que le placement de produit soit repéré mais que le produit soit intégré. Or poser la question “quelle produit de tel type avez-vous vu dans le film ?” attire l’attention sur le placement avant tout. Pour bien évaluer l’impact d’un placement de produit, il faut avoir une double entrée :
− Entrée par la scène : resituer la scène puis demander de raconter le passage ; si produit (ou de la marque) est repéré, relance sur la signification du produit dans la scène.
− Entrée par la catégorie de produits : repérage de la marque, signification de la présence de cette marque dans la scène.a
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L’évaluation du placement de produit dans un film passe donc par une série de questions :
− Top spontané des marques et produits présents dans le film : « Quels sont les marques et les produits que vous avez remarqués dans le film… ? »
− Top relancé par scène : « A tel moment du film, le personnage X fait telle action. Vous souvenez-vous avoir vu une marque ou un produit lors de cette scène du film ? »
− Top relancé par catégorie de produit : « Quelles marques de (nom de la catégorie) avez-vous repérées dans le film ? »
− Top assisté par marque : « Voici la liste des marques présentes dans le film. Pour chacune d’entre elles, dites si vous l’avez remarquée et de quelle manière elle est présente ? »
− Perception du placement : « Quelle image vous faites-vous de la marque à travers cette séquence ? »
− Incitation : « Cette séquence vous donne-t-elle envie d’essayer ou de consommer le produit/ vous rend-elle le produit plus attirant ?” (beaucoup, assez, peu, pas du tout) “Pourquoi ? »
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