Lors du dernier SEMO, Matthieu Guével a présenté une réflexion sur l'évolution de la communication des marques dans le cadre d'un atelier QualiQuanti.
Voici la retranscription de son introduction qui était consacrée au nouveau rapport au temps.
"Ce qui nous a marqué sur la nouvelle consommation des images, de la vidéo et des medias, c’est l’extraordinaire abondance de contenus et surtout de contenus gratuits à disposition des consommateurs (via la box, PVR, streaming, téléchargement, la TNT).
Cette avalanche de contenus a pour premier effet de saturer le budget temps des consommateurs : les 24 heures d'une journée ne suffisent plus pour consommer l'ensemble des contenus medias accessibles gratuitement et facilement.
Cet accroissement de contenu s'accompagne à la fois :
- D'une adaptation des médias en fonction du moment de la journée
- D'un caractère de plus en plus actif et participatif des consommateurs en général,
- De nouveaux moyens de zapper la publicité et d'échapper aux messages des marques, en particulier à cause de la digitalisation et la numérisation des contenus.
« Une conséquence sur le temps comme valeur »
Cela a une conséquence importante sur le temps comme valeur, le temps comme budget, comme critère déterminant de la qualité d’un service, d’un produit, d’un programme : les consommateurs abreuvés par cette effervescence de contenus nouveaux, facilement disponibles, gratuitement qui découragent de s’orienter vers du payant, conduit à une gestion du budget temps très serré (le budget temps devient extrêmement rempli, saturé) avec la recherche d’un bénéfice immédiat.
Le temps est quelque chose de précieux, qui s'achète, qui se gère et se monnaie. Tout de suite, on doit obtenir ce que l’on est venu chercher, avec un souci non plus du rapport qualité prix, dans la mesure ou dans un contexte de gratuité le prix ne devient plus l’unique caractère discriminant mais avec la recherche d’un meilleur rapport qualité temps : est-ce que j‘ai eu un bénéfice raisonnable en fonction du temps que j’y ai passé ? Cela vaut-il le temps que j’y ai passé ?
On observe une valorisation du temps très forte de tous les services qui permettent de gagner du temps pour accéder à ce dont on a besoin (ex : les widgets sur les téléphones mobiles ).
On observe aussi, phénomène nouveau, que le temps vaut de l’argent et que cela est bien perçu par les consommateurs, qui conçoivent que le temps qu’ils acceptent de passer avec les marques, de s’exposer aux contenus publicitaires, que ce temps puisse avoir une valeur ; et ils vont le monnayer plus scrupuleusement pour accéder à leur contenu.
Il en résulte des conséquences pour les marques :
• Une obligation beaucoup plus forte de justifier le temps passé pour accéder à tel ou tel contenu
• l’obligation d’adapter le temps au niveau d’implication : Parler court et bref avec des petits messages aux personnes les moins impliquées, parler plus longuement avec beaucoup de détails et de contenu aux plus impliquées, avec un besoin et une capacité nouvelle de créer de l’engagement.
Le fait que les marques isolent le facteur temps, le facturent, lui attribuent une valeur clé est sensible dans plein de services.
Ex : Le service « speedy boarding » de Easy Jet, qui permet, en payant un peu plus d’embarquer plus rapidement dans l’avion. C’est un facteur qui a été isolé. Sur la page d’accueil de l’Iphone, vous pouvez télécharger des petites applications, des petits raccourcis, qui permettent directement d’accéder au contenu que vous souhaitez : Directement réserver sur Easy jet sans taper de recherche ou bien des services de géolocalistaion pour le vélib’ par exemple, mais cela existe aussi pour des magasins, par exemple Starbucks. A un moment et à un endroit précis, vous recherchez sur votre mobile l’espace qui vous environne et par exemple, quelle est la station de vélib’ la plus proche, combien de vélos sont disponibles, combien sont endommagés, toujours dans un objectif de gagner du temps et de parcourir le moins de temps pour accéder au service désiré.
« Une nouvelle perception de la publicité »
Ce nouveau rapport au temps induit une nouvelle perception de la publicité, un écartèlement de la publicité.
- Il y a à la fois une crispation exacerbée de tout ce qui va être perçu de la part des marques et de la communication des marques comme un détour, un délai, du temps passé pour rien, du temps perdu. A noter que cela est particulièrement sensible sur internet avec un rejet fort de ces bannières clignotantes ou de ces formats pré roll, (vidéo insérées avant le contenu, notamment sur les plate formes de rattrapage tv), qui sont conçues comme des délais.
- Dans le même temps, on observe une volonté et une disponibilité de passer plus de temps avec les marques choisies : regarder des films, écouter de la musique, voir des vidéos pédagogiques, entrer en relation avec la marque et passer un temps plus long avec les marques.
La publicité comme monnaie d’échange
On observe également, dans le rapport à la communication des marques, une conscience de la part des consommateurs que le temps qu'ils accordent à la publicité a de la valeur.
Il y a le sentiment que le temps passé à regarder la publicité, le "temps de cerveau disponible" accordé par le consommateur pour regarder les communications des marques est intégré comme quelque chose qui a de la valeur et qui mérite, non pas d'être rémunéré, mais en tout cas qui peut servir de monnaie d'échange pour accéder à des contenus gratuits.
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