Voici deux captures d'écrans ressorties de mes archives qui datent de 1990. Elles illustrent l'extrême différence entre la très privée Canale 5 (visuel souriant du haut) et la chaîne publique Rai 3 (visuel du bas).
La différence privée/public a toujours été cultivée en Italie notamment dans la mise en page du flux télévisuel. Voici ce que j'écrivais dans un article de janvier 1990 du numéro de la newsletter Câble Marketing :
En Italie, sur les chaînes Fininvest, avec 50 interruptions publicitaires quotidiennes, le flux télévisuel privé est rythmé et reformulé par les ruptures publicitaires avec une imbrication totale des fragments de programmes, des écrans pub des bandes annonces et des sponsors.
A cette mise en page correspond une certaine vision de la consommation TV. Dans une course en avant incessante, la chaîne privée italienne cherche à entraîner toujours plus loin un spectateur passif qui peut entrer à n'importe quel moment dans la grille fragmentée. Sur les chaînes RAI, avec seulement une douzaine d'espaces pub et autopromotion par jour, le flux est rythmé par les émissions entières, clairement séparées de l'autopromotion et de la publicité. Pour souligner cette séparation : des jingles tampon voire des écrans noirs et un rideau qui s'ouvre et qui se ferme en début et en fin d'écran publicitaire. Le service public propose ainsi un menu de programme autonomes et suppose un téléspectateur actif dans le choix et la programmation des programmes TV. Cet éclairage italien aide à comprendre l'analyse de Carlo Freccero lorsqu'il dit que "TF1 est une chaîne privée avec une mise en page de service public". Les techniques d'entraînement de l'écoute développées par le secteur privé italien méritent d'être étudiées.
Depuis plusieurs années les chaînes de la Fininvest font passer les spectateurs d'un programme à l'autre sans qu'il est le temps de souffler. Par exemple, pendant le générique fin souvent tronqué de l'émission précédente, une voix interpelle le spectateur pour lui annoncer le programme suivant. Suit juste après la bande annonce du précédent programme pour la semaine suivante, puis le générique de l'émission suivante et seulement après avoir alléché le spectateur avec le début du programme l'écran publicitaire. Dans le même esprit de maintien de l'audience, les italiens ont formalisé la notion de programme container. Partis du constat que tout passage d'un programme à un autre risquait de faire perdre des téléspectateurs, ils ont dilaté leurs programmes ou encadré différents programmes afin de les présenter par paquets : par itération du mêle genre (Dallas puis Dynasty), par succession de genres mixtes à thème unique (film puis débat autour du film), par programmation en crescendo. Ce bloc programme est consolidé par des artifices de signalétique et une série de renvois autopromotionnels.
Ces notions sont toujours pertinentes 20 ans après. La différenciation privée/public reste limitée en France du fait que les chaînes privées sont beaucoup plus mesurées dans leur gestion du flux télévisuel.
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