Appliquée aux études marketing, l’intelligence créative permet la résolution de problèmes des plus simples et courants aux plus complexes et inhabituels.
La prise en compte de données non purement rationnelles, pour des résultats justes et vivants
De nombreuses recherches récentes réalisées tant par des psychologues que des ethnologues montrent la nécessité d’en finir avec l’opposition systématique entre rationnel et imaginaire.
Qu’il n’y ait pas d’opposition entre rationnel et imaginaire ne signifie pas qu’il y a dissolution des deux concepts : le discours rationnel, la rigueur conceptuelle restent des éléments d’analyse nécessaires, mais non suffisants. En effet le propre de l’humain est qu’il ne vit pas que de concepts, de discours, d’idée, de raison démonstrative et de preuves, de syllogismes : on vit et on perçoit aussi avec notre corps physique, nos émotions, nos souvenirs et notre expérience.
Parallèlement, les marques n’existent pas uniquement sur la base d’idées et de concepts mais s’expriment au travers d’un enchaînement complexe de signes, eux-mêmes non univoques et appartenant à différents registres : éléments codés répondant à tous types de codes sémiotiques ; éléments non codés et difficilement caractérisables, comme l’atmosphère... autant de manifestations disparates qui leur permettent de parler, chez l’homme, au cognitif comme à l’émotionnel et au physiologique, avec des bénéfices sensoriels, symboliques, sociaux etc.
Ainsi Daniel Kahneman, psychologue père de l’économie comportementaliste, distingue dans son ouvrage "Les 2 vitesses de la pensée" deux systèmes de décision :
− Le système 1, en permanence connecté à nos sens, opère automatiquement, évalue intuitivement l’environnement, avec des règles d’approximation et des associations qui lui permettent de prendre des décisions très rapides, sur lesquelles nous n’avons que peu de prise consciente.
− Le système 2, mobilisé plus ponctuellement, demande de l’effort, s’occupe des opérations complexes, calcule, formalise le jugement dans un dialogue avec le système 1 (qui a lui plutôt tendance à sauter aux conclusions). Après délibération, il sait alors en verbaliser le résultat.
Kahneman montre que deux facteurs conditionnent la voie d’aiguillage du système 1 vers le 2, et l’influence de chacun dans nos décisions : le contexte (environnement physique et attentionnel) et surtout le temps mobilisé pour traiter l’information.
D’autre part, Paul Willis explique, dans son ouvrage « Ethnographic Imagination », que l’opposition entre le rationnel et l’imaginaire n’est plus d’actualité. Les hommes ne cherchent pas seulement à survivre économiquement et matériellement mais aussi à donner un sens, une dimension symbolique (qui fonctionne aussi comme lien social) à leur existence.
La matière sur laquelle on travaille étant symbolique et vivante, elle demande une démarche qui soit en affinité avec elle. D’où l’importance :
− d’étudier non seulement les données qualitatives et quantitatives tangibles, mais également tout ce qu’il y a de « sensible » dans la vie humaine.En effet tous les gestes de la vie quotidienne, y compris la consommation, sont parties prenantes d’une forme de « culture » populaire qui n’a rien à envier à la culture élitiste telle que nous l’entendons habituellement. Nos attitudes ne sont pas amorphes mais participent d’une stylisation de nous mêmes : nous stylisons notre existence, notre mode d’être par nos comportements, notre façon de s’habiller, les gens avec lesquels nous sommes en relation, les lieux que nous fréquentons...
Ainsi :
1) de même que l’on regarde chacun des mots et chacun des éléments de ponctuation d’un poème, chaque détail de la vie, dans son insignifiance doit être dument observé, analysé, interprété et reçu en tant qu’élément signifiant ;
2) il s’agit accepter que les choses sont plus complexes que l’apparence veut bien le faire croire, et que de multiples interprétations sont possibles. Tout comme un poème, la société ne construit pas son sens de manière directe et rationnelle, les métaphores et les sens indirects ont toute leur place dans la construction de sens et l’interprétation que nous devons faire de la société. L’ethnographie ne doit pas occulter cette dimension.