Il est toujours utile pour une entreprise d’expliciter les fondamentaux de sa démarche. Les échanges réguliers avec Patrick Mathieu ont été l’occasion depuis 20 ans de préciser les partis pris identitaires de QualiQuanti. Je vous propose de vous en donner quelques clés, qui associent ambition intellectuelle, humilité, pragmatisme et curiosité insatiable.
L’omniscience
Le nom QualiQuanti a été choisi pour exprimer l’idée d’une investigation simultanément micro et macro, qui s’intéresse à la fois à l’infiniment petit et l’infiniment grand. Notre position et notre ambition envers les études marketing nous conduit à combiner les différents outils méthodologiques disponibles pour gagner en exhaustivité et en densité d’investigation. Le nom QualiQuanti, lu au premier degré, donne à penser que cet institut pratique, de manière juxtaposée, les études qualitatives et les études quantitatives. C’est le cas, mais c’est extrêmement réducteur. Ce nom reflète en réalité un point de vue beaucoup plus ambitieux : celui d’une compréhension à la fois très en profondeur ET à grande échelle.
La nouveauté de notre démarche réside dans le ET. La plupart des instituts juxtaposent les méthodes quantitatives et qualitatives, sans véritablement les combiner : en quali, on s’interdit d’être sur des échantillons importants ; inversement, en quanti, les investigations peuvent rester superficielles, du fait du caractère simpliste et mécanique des questionnaires fermés utilisés.
Chez QualiQuanti, nous ambitionnons de ne pas sacrifier la finesse à la géométrie. Nous cherchons à tout comprendre et à tout analyser pour faire le tour d’un sujet. Nous visons un idéal d’omniscience ou d’omnisavoir, afin d’offrir une compréhension la plus affinée possible d’une réalité complexe et polymorphe.
Parmi les procédés que nous utilisons pour construire un point de vue omniscient, on peut citer :
- la veille à très grande échelle associée à une analyse sémiologique approfondie et systématique (nous avons ainsi décodé très en profondeur la grammaire des affiches et des bandes-annonces de films, des décors TV, du publi-rédactionnel, du parrainage TV ou des codes du luxe)
- les méthodologies d’investigation 360° rendues possible par le quali online de longue durée qui permettent de tester des corpus de plus d’une centaine de stimuli (voir notre intervention à l’IREP sur le quali 360 consumer centric ou brand centric)
- La lecture de livres de référence sur le sujet traité et l’importance des recherches documentaires.
- La collaboration avec des experts dotés d’une très grande culture générale (Raphaël Lellouche est le premier d’entre eux) afin de mobiliser des connaissances encyclopédiques
- La mobilisation de ces experts sous forme de réseau interconnecté dans une logique d’échanges réguliers
- Le quali à grande échelle, qui permet d’épuiser le champ des possibles (voir nos articles sur le quali-quanti comme 3ème voie et sur les moyens de réconciliation quali/quanti)
- La constitution de base de données d’études à l’instar de ce que nous pratiquons au sein de Womenology ou sur le Brand Content : l’idée est de cumuler une série d’études sur une multitude de sujets avec des consolidations progressives.
- La capitalisation consciente et organisée de nos travaux de recherche depuis 20 ans.
L’honnêteté intellectuelle
Le deuxième principe qui caractérise QualiQuanti c’est l’honnêteté intellectuelle. Dans l’histoire de l’entreprise, j’explique avoir quitté le milieu de la publicité parce que la réflexion y est souvent subordonnée à la vente de la création.
Ayant rejoint le secteur des études pour mettre en œuvre une démarche d’honnêteté, chaque travail de recherche est une nouvelle occasion de s’interroger sur la pertinence de la méthode et du résultat. Cette autocritique permanente nous a amené à faire l’inventaire des limites du métier des études dans un livre blanc intitulé « Pour des études marketing vivantes ». Dans ce livre, nous reconnaissons l’impureté des études et mettons en évidence les dérives d’une société positiviste qui s’illusionne autour de la mise en chiffre de réalités complexes.
Si notre niveau d’exigence intellectuelle est élevé, notre mise en place des études est extrêmement pragmatique. Nous assumons l’idée soutenue par les « Bourdieusiens » d’une science brumeuse ou inexacte tout en sachant qu’une bonne combinaison méthodologique permet de cerner un sujet et d’en maîtriser les tenants et aboutissants. Nous pratiquons par exemple le « nettoyage » des terrains online afin de supprimer les questionnaires bâclés sur la base des questions ouvertes (jusqu’à 30% du terrain).
Nous savons que les échantillons représentatifs additionnent les biais (méthode des quotas VS. tirage aléatoire, biais psychologique des profils qui acceptent de répondre, biais liés à l’implication des interviewés par rapport au sujet, à l’influence plus ou moins consciente des enquêteurs, au langage utilisé pour poser les questions, absence de prise en compte des profils ethniques, etc.). L’échantillon représentatif est beaucoup utilisé parce qu’il fonctionne comme la métaphore de la France en petit. Il est justifié en politique (1 homme = 1 voix) mais beaucoup moins dans le domaine marketing où la segmentation et la démassification s’imposent.
Nous prônons les enquêtes en plusieurs phases afin de tenir compte de l’implication des interviewés et de segmenter les interviewés selon leurs expériences ou leurs connaissances. Lorsqu’on s’intéresse aux différences hommes/femmes, on se dit que ces deux populations méritaient des interrogations différenciées avec comme aux Etats-Unis une place pour les instituts spécialisés sur les femmes ou sur les mères.
Certains acteurs des études, qui défendent la scientificité des outils et l’orthodoxie des méthodes ont pu être gênés par la position méthodologique iconoclaste de QualiQuanti. Nous estimons mieux défendre la vérité par le pragmatisme qu’en donnant une apparence de scientificité à des méthodologies nécessairement partielles.
L’intelligence collective
Depuis toujours chez QualiQuanti nous défendons l’idée que la juxtaposition des données et des méthodologies ne permet pas d’avoir une compréhension englobante et de surplombs de la réalité. Chaque « étude » ou « morceau d’étude » offre un regard spécifique et tronqué sur le sujet de l’investigation.
Comme nous l’avons dit, nous cherchons à viser une compréhension omnisciente d’un sujet. Au fil des années, nous avons mis en place une structure, un réseau et un système de pensée, dont le ressort est l’intelligence collective, et qui permette d’avoir une vision holistique et organique sur l’ensemble d’un sujet donné.
Pour comprendre cette structure s’appuyant sur l’intelligence collective, prenons la métaphore du fonctionnement de la ruche des abeilles : chacune occupe une position et un rôle spécifique et œuvre au service du tout qu’est la ruche. Isolément, chacune contribue à la hauteur de ses compétences pour former un ensemble, qui la dépasse totalement. Avec le web, s’est développé chez l’humain la notion d’intelligence collective globale qui se distingue de l’intelligence originelle et de l’intelligence pyramidale (hiérarchie, division du travail).
De la même façon, chez QualiQuanti, nous fonctionnons en intelligence collective et ce à plusieurs niveaux :
- Dans l’espace : nous travaillons en réseau et à distance (en télé-travail). Nous n’avons pas besoin d’être tous ensemble dans la même pièce. Nous sommes disséminés dans l’espace (et donc non limités), mais inter-reliés (via Internet et le partage de documents). Nous nous réunissons lorsque la collaboration sur un mode présentiel fait sens : par exemple pour une Sémio-live, séance d’analyse sémiologique interactive.
- Dans le temps : nous n’adoptons jamais un point de vue docte/final/savant sur les choses ; chaque article, projet que nous réalisons collectivement est un « work in progress » que nous avons à cœur d’améliorer en continu (par exemple, nos livres blancs).
- Collectivement : nous multiplions les parties prenantes sur les projets en fonction de leur expertise (sous la houlette d’un directeur d’études). Chacun contribue collectivement à l’enrichissement du projet, du rapport, de l’article, à la hauteur de ses compétences (analyste quanti, quali, sémiologue, historien de l’art, ergonome, musicologue, philosophe, etc.).
Ce fonctionnement s’appuyant sur l’intelligence collective nous permet de passer qualitativement à un autre niveau dans l’analyse d’un sujet. Nous défendons un point de vue holistique selon lequel la compréhension d’un sujet dépasse largement l’analyse de chacune de ses parties. Cette intelligence collective n’est pas une simple juxtaposition des résultats mais la combinaison intelligente et organique de compétences et d’outils. Grâce à la réappropriation synthétique de tous les points de vue sur le sujet, et au saut créatif qui s’effectue par cette réappropriation, le directeur d’études est à même de fournir une vision d’ensemble complète (une totalité) et dynamique sur le sujet investigué. La méthodologie de Recherche culturelle récemment développée utilise pleinement ces propriétés.
Daniel Bô
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