Après 20 ans à la tête d’un institut d’études, je peux dire d’emblée que les études qualitatives adhoc représentent un potentiel de marge limité. Les études vraiment rentables appartiennent à la catégorie des études (i) quantitatives (ii) multi-clients (iii) récurrentes. Les grandes études quantitatives de référence sont financées par plusieurs clients sur la base d’abonnements ou de commandes annuelles. Une fois le point mort atteint, les instituts peuvent compter sur des marges confortables et des revenus réguliers.
Je me souviens d’un déjeuner sympathique au cours duquel mon confrère Jérôme Neveu d’Advent (devenu Be More) m’a expliqué qu’il ne voulait plus courrir en permanence après de nouvelles études ad hoc et qu’il s’était décidé à créer des études récurrentes, multi-clients. C’est ainsi qu’il a mis au point très astucieusement un baromètre sur la perception des services presse des constructeurs par les journalistes. Cette étude quantitative annuelle est aujourd’hui déclinée dans 10 pays.
Les sociétés de terrain d’étude online affichent des niveaux de rentabilité tout à fait intéressants. Il suffit de regarder les comptes de ToLuna en 2008 avec un chiffre de 21,7 M£, et un résultat avant impôt de 4,7 M£, pour comprendre l’intérêt d’une telle activité. Une fois la base de consommateurs constituée, la location de panélistes est extrêmement rentable. Les principaux coûts sont liés au personnel, qui assure les fonctions techniques et commerciales. C’est d’autant plus rentable pour Toluna, qui loue des logiciels d’enquêtes (Automate Suvey) amortis sur de nombreux utilisateurs.
A l’inverse, les études qualitatives adhoc sont plus complexes à gérer, plus aléatoires, moins reproductibles par définition et de ce fait moins rentables. Les devis de ces études reposent sur une estimation d’un budget-temps avec des taux horaires assez bas car les prix ont peu évolué ces 20 dernières années (voir un peu plus loin l’exemple de l’évolution des prix des groupes qualitatifs). Pour gagner de l’argent en qualitatif adhoc, il faut être assez productif car les espérances de gains sont liées à la capacité de mener à bien l’étude rapidement. Pour cela, il faut optimiser son temps aussi bien pour obtenir l’étude que pour la réaliser avec un avantage à la fidélisation.
Le coût des appels d’offres
Les instituts qui souhaitent mener des études ad hoc doivent participer régulièrement à des appels d’offre. Ce travail de réponse aux consultations peut être tout à fait intéressant et enrichissant. Il amène à rencontrer de nouvelles personnes, écouter des problématiques et des questions, se confronter à un univers et à sujet. Néanmoins, il ne faut pas hésiter à être sélectif sur les appels d’offre en fonction de leur potentiel. La réponse à un appel d’offre se révèle en effet chronophage (de 4 heures à une semaine, moyenne d’environ 2 jours) alors qu’elle n’est quasiment jamais rémunérée. Sur un appel d’offre récent représentant 35 heures de préparation, le coût salarial du projet s’élevait à 1800 euros pour une étude dont le budget avoisinait les 30 000 euros.
Lorsqu’on est contacté pour un appel d’offre, il est important de sentir si le type de méthode souhaité, la connaissance du secteur et la relation avec le commanditaire créent des conditions favorables ou pas. Il est important de tenir compte de plusieurs facteurs avant de se lancer : nombre d’instituts consultés, méthodologie(s) envisagée(s), plan de charge de l’activité en interne, type de proposition d’intervention à renvoyer. Certains commanditaires attendent une réponse rapide par mail avec une fourchette budgétaire alors que d’autres demandent un véritable dossier de candidature.
La réponse à un appel d’offre nécessite du temps, à la fois pour réfléchir sur le sujet d’étude et la méthodologie mais aussi parfois pour remplir des formulaires et des tableurs. Il faut veiller à ce que la demande « bureaucratique » ne soit pas disproportionnée par rapport au budget de l’étude. La difficulté vient parfois de commanditaires qui sollicitent un grand nombre d’instituts. Très récemment j’ai eu affaire à une stagiaire d’une grande entreprise en charge d’organiser une consultation, qui sollicitait vingt instituts là ou le Syntec recommande d’en consulter plutôt trois. Une chambre de commerce m’annonçait que leur service juridique leur imposait de consulter au moins 5 entreprises pour ne pas être taxé d’entente illicite.
L’appel d’offre en deux temps
Une solution intéressante a été mise en place par François Laurent, co-président de l’Adetem, lors d’un appel d’offre qu’il avait orchestré pour Microsoft. Elle consistait à mener l’appel d’offre en 2 temps en commençant par un appel d’offre élargi avec une note d’intention méthodologique et une fourchette budgétaire suivi par un appel d’offre restreint avec 2 ou 3 instituts sélectionnés. Cette démarche en deux temps est fairplay car seuls les instituts pré-sélectionnés font l’effort de développer le dossier complet. Plus généralement, j’encourage les entreprises, qui s’interrogent sur le partenaire et la méthode à avoir quelques échanges téléphoniques informels avant de sélectionner pour une consultation officielle. Le plus délicat pour les instituts non retenus est de s’entendre dire que le commanditaire préfère continuer à travailler avec la société qui était déjà intervenue sur le même dossier. Dans certains cas, les consultations sont purement annulées parce que le commanditaire a changé d’avis. Trop fréquemment les commanditaires ne donnent aucune nouvelle, surtout lorsque l’institut n’est pas retenu. Pourtant, il est très utile d’avoir un feedback afin de comprendre les critères de choix et de tirer des leçons de l’expérience. L’absence de tout feedback pour expliquer les raisons d’un refus de donner suite crée inévitablement une frustration, qui nuit aux relations futures entre l’institut et le commanditaire.
Récemment, j’ai eu l’occasion de participer à un appel d’offre pour lequel était proposé un dédommagement (de l’ordre de 1200 euros HT). Ce dédommagement était inférieur au coût de réponse (compte tenu du brief oral, du projet détaillé et de la présentation orale du projet) mais il témoignait d’une vraie attention pour le partenaire.
Les appels d’offre sont souvent envoyés par mail avec un échange téléphonique et une réponse par mail. Dans certains cas, les commanditaires demandent un brief en face à face et une présentation du projet. On peut même rencontrer de commanditaires situés en province, qui exigent que l’institut vienne présenter sa proposition chez eux sans proposer de dédommagement pour ce déplacement. C’est à chaque institut de montrer sa motivation et son investissement dans une certaine limite et au commanditaire de proportionner ses exigences aux enjeux et au budget.
Il faut en effet tenir compte d’une spécificité du métier des études : on ne vend pas des process interchangeables ou du matériel de chantier. Ce qui est vendu, c’est du temps, de la matière grise humaine, de la capacité d’analyse et de l’implication personnelle. La motivation de l’institut est une clé de succès de l’étude à venir et cette motivation doit être stimulée par le commanditaire.
Le coût transactionnel des études
Dans la théorie économique, les « coûts de transaction » correspond à tout ce qui doit être mis en œuvre pour réaliser un travail mais qui n’est pas pris en compte dans la mission stricto sensu : efforts pour obtenir la mission, échanges téléphoniques, déplacements, etc. L’ensemble des activités de transaction économique sont souvent comptées comme nulles alors qu’elles pèsent sur le bilan et la rentabilité. Dans le domaine des études, les coûts transactionnels sont importants. L’appel d’offre, comme nous venons de le voir, fait partie de ces coûts.
Lorsqu’une étude démarre avec un nouveau client, on ne connait pas toujours l’importance du suivi. Certains clients sont très présents et interviennent tout au long de la mission tandis que d’autres sont plus distants. Il arrive qu’une collaboration très accaparante avec de nombreux aller-retour fasse chuter la rentabilité d’une étude.
Il existe d’autres coûts transactionnels. Nous pouvons notamment citer :
- les déplacements en province qui ont un double coût : celui du trajet mais aussi le coût d’opportunité lié à la mobilisation des équipes.
- le report du terrain, par exemple parce que le produit à tester n’est pas prêt. Cela implique une réorganisation du planning en maintenant la disponibilité des équipes.
- la présentation orale des résultats, en particulier lorsqu’elle a lieu longtemps après la fin de l’étude car elle nécessite du temps pour se ré-imprégner du sujet
- le travail dans des délais urgents, qui peut générer des surcoûts liés à des précautions lors du terrain ou à la nécessité de mobiliser une équipe importante sur une durée courte plutôt que d’étaler
- le suivi et l’organisation des terrains notamment en face à face
- le temps passé pour obtenir le bon de commande, émettre la facture adéquate, joindre ou relancer la comptabilité afin de se faire payer
L’arrivée d’internet a permis de réduire bon nombre de coûts transactionnels liés au recueil et à la centralisation des données notamment. Dans les métiers de service, les coûts transactionnels sont inévitables et font partie de la relation. Il faut faire attention à ne pas trop faire sentir au client que le temps est compté sous peine de nuire à la relation. Il faut rester vigilant sur le temps passé car, à la différence des avocats, le compteur ne tourne pas.
Rentrons maintenant dans le détail des méthodologies utilisées. Il est intéressant de commencer par les réunions de groupes qui représentent plus de 60% du budget des études qualitatives (source Syntec).
Le prix des réunions de consommateurs
Dans les années 90, les réunions de consommateurs étaient commercialisées entre 30 000 et 40 000 francs (4575€ -6100€). Le prix n’a pas évolué depuis puisqu’elles sont désormais vendues entre 4500 et 6000 euros. Certains anciens considèrent que les instituts passent moins de temps sur les études qualitatives que dans les années 70 ou 80 mais le temps de préparation et de réalisation d’une étude qualitative est relativement incompressible et les coûts externes n’ont pas diminué.
Les frais extérieurs ou logistiques d’un groupe de 3 heures (location de salle autour de 500 euros, recrutement autour de 600 euros, dédommagements autour de 500 euros, collations) représentent jusqu’à 1/3 du budget des groupes. Si on examine ces coûts plus en détail on voit que les tarifs des salles sont compétitifs à Paris compte tenu de la concurrence. Les coûts sont plus importants en province surtout lorsqu’il faut déployer une logistique dans un hôtel d’une petite ville. Les indemnités pour les consommateurs sont de l’ordre de 15 euros de l’heure : il est difficile de faire moins et les indemnités sont plus généreuses sur les cibles CSP+ ou BtoB.
Le poste recrutement des consommateurs
Le seul poste variable est celui du recrutement qui se situe entre 50 et 80 euros par recruté, soit entre 500 et 800 euros par groupe. En réalité, certains recrutements sont beaucoup plus difficiles que d’autres en fonction de la taille de la cible recherchée, dans des proportions bien supérieures. La qualité d’une étude qualitative dépendant largement du recrutement, il ne faut pas « économiser » sur ce poste. Si les personnes convoquées ne sont pas bien dans la cible, la réunion perd beaucoup d’intérêt et tout le monde perd son temps. Certains commanditaires prévoient un nombre de groupes important pour s’assurer qu’il y ait un minimum de consommateurs dans la cible. Il est plus intéressant d’avoir une garantie sur la qualité du recrutement. Pour assurer une sélection optimale, chez QualiQuanti, nous menons une enquête de présélection en ligne auprès de 150 à 300 personnes ciblées suivie par une sélection téléphonique approfondie. Ce système de sélection en deux temps est déterminant mais difficile à valoriser lors du projet, d’autant plus que cette pratique screening+phoning est encore peu répandue. Une solution peut être de valoriser l’enquête de recrutement à part surtout qu’elle permet en amont de l’étude qualitative de débroussailler le sujet à grande échelle avec parfois une trentaine de questions dont 7 à 10 questions ouvertes.
Le succès d’une étude qualitative est aussi fonction de l’importance de la préparation et de la valeur ajoutée lors de la synthèse et de la présentation. Autant d’activités où le temps est essentiel. Pour une étude qualitative avec 2 groupes, il faut compter 1 à 2 jours de préparation (parfois plus), le temps de l’animation et 3 à 6 jours de temps d’analyse et de rédaction. Il y a de fortes économies d’échelle à réaliser sur le nombre de groupe car les frais de préparation et d’analyse s’amortissent. Un bon moyen de rentabiliser une étude qualitative consiste donc à multiplier les groupes. Toutefois, et je l’ai expliqué dans un article, au-delà de 3 ou 4 groupes bien recrutés, l’apport des groupes supplémentaires devient marginal. Notre conscience professionnelle nous pousse à préconiser plutôt un nombre de groupes limité alors que les impératifs économiques invitent à pousser à la consommation. Une solution sage serait de mettre en place une vraie progressivité lorsque le nombre de groupes est faible et une dégressivité lorsqu’on dépasse les 4 groupes mais on s’aperçoit que ce principe n’est pas entré dans les usages. Par conséquent, l’institut qui l’utiliserait se verrait désavantager lors des compétitions. De plus les économies d’échelles ne sont pas toujours équivalentes en fonction des dispositifs : lorsque le terrain est dispersé sur beaucoup de villes de province, ce n’est pas la même chose que s’il est regroupé sur 1 ou 2 sites. Une manière d’ajouter une part de coût fixe consiste donc à facturer un budget de préparation et éventuellement un budget de présentation à part.
L’hétérogénéité des pratiques
La réalité est très contrastée d’une étude à l’autre. Les études qualitatives par groupes requièrent plus ou moins de travail. Il faut faire un distinguo entre les études stratégiques qui demandent une rédaction très soignée, une analyse fouillée et les études qui requièrent des résultats opérationnels plus faciles à formaliser. Le temps passé à préparer, animer et analyser une étude qualitative varie de 1 à 3 selon l’importance de l’imprégnation et selon le niveau de finalisation des résultats. Lorsqu’on regarde le paysage des rapports d’études quali produits par les instituts, on voit des choses très variées avec plus ou moins de valeur ajoutée. Cette hétérogénéité des pratiques ne ressort pas de manière évidente dans les appels d’offre et les commanditaires doivent se constituer une expérience sur les manières de faire. Les services achats ont plus de mal à se rendre compte des différences. Les groupes sont réalisés par des personnes avec une expertise et une qualification variables. Difficile pour le commanditaire de savoir comment s’est réparti le temps de travail sur une étude. L’intervention d’un sénior de très haut niveau dans la phase finale peut être déterminante pour réaliser un très bon rapport d’étude dans la dernière longueur.
La facturation optionnelle de la présentation
Beaucoup d’instituts d’études considèrent que la présentation orale fait partie de la prestation de base et la propose incluse dans le budget. Ils travaillent donc directement sur un rapport Powerpoint, qui servira de support à la présentation. Le risque de cette option est de pénaliser ceux qui n’ont pas assisté à la présentation orale puisqu’il n’existe aucun document détaillé pour assurer la pérennité de l’étude. Une autre option consiste à rédiger un rapport très détaillé (plutôt au format word) qui rend compte de l’étude de façon précise et peut se suffire à lui-même. Cette approche assure une pérennité au travail, qui pourra être exploité plusieurs années après si nécessaire. La rédaction détaillée d’un document permet de ne pas être dépendant d’une date de réunion pour bénéficier de l’étude. En complément du rapport détaillé, il peut être tout à fait intéressant de faire des débriefs téléphoniques aux différents stades et de fournir plusieurs versions du rapport : top lines rapidement puis rapport plus complet ensuite.
À l’usage, on s’aperçoit que la réunion des deux types de documents présente un réel intérêt. Mais dans ce cas, il faudrait idéalement pouvoir facturer le travail complémentaire impliqué par ce double niveau de rédaction.
Le dumping sur les études qualitatives ?
Les prix assez bas actuellement pratiqués dans les études qualitatives s’expliquent par plusieurs facteurs. Le premier est que le métier est passionnant, diversifié, intellectuellement stimulant et que beaucoup d’acteurs sont prêts à des sacrifices pour continuer à le pratiquer. Le deuxième est qu’il n’y a aucune barrière à l’entrée et que tout le monde peut du jour au lendemain créer son institut d’études qualitatives. Avec les facilités de location de salles et de sous-traitance des terrains, tout individu qui connaît le métier peut, en travaillant de chez lui avec un ordinateur, gérer son institut d’études. Il y a donc régulièrement de nouvelles entreprises qui se créent avec, en France, une centaine d’entreprises qui font plus de 1 million d’euros de chiffre d’affaires. Cette importance de l’offre entraîne une forte concurrence d’acteurs, qui ont parfois de faibles coûts de structure et sont prêts à vendre leur travail à prix réduit. Cela est d’autant plus vrai si on ajoute les free lance, qui travaillent parfois pour des instituts et parfois pour des annonceurs en direct. Sur les techniques classiques comme les entretiens ou les réunions de groupe, il est difficile d’arriver à augmenter les prix compte tenu du marché.
Une solution économique consisterait à faire travailler des profils plutôt junior et d’avoir des collaborateurs faiblement rémunérés. Une autre consiste à prendre des free lance, qui assument l’essentiel du travail et absorbent le surcroît de travail. Une troisième serait de prendre des collaborateurs avec une formation limitée. Dans certains pays comme l’Angleterre, les études qualitatives sont réalisées par des profils Bac+2 et s’apparentent plutôt à du journalisme sur les perceptions des consommateurs. Les études qualitatives peuvent y être traitées de façon industrielle. La qualification, l’implication et l’expérience sont pourtant bien utiles pour assurer une bonne qualité d’études.
Avec une équipe de haut niveau (exclusivement des doubles formations, plus de 50% bilingue, 6 diplômés de Grandes écoles sur 10 permanents chez QualiQuanti), il apparaît indispensable de proposer d’autres techniques qualitatives plus exclusives avec une valeur ajoutée plus évidente. L’analyse sémiologique permet vraiment de faire la différence. En constituant une équipe très qualifiée, nous avons pu proposer des services de très haute valeur ajoutée à des tarifs assez élevés, permettant de rémunérer l’équipe à sa juste valeur. Le quali online est un mode d’interrogation, qui n’est pas à la portée d’une micro-structure. Il est en effet préférable de disposer de son propre panel pour le recrutement et l’animation d’un forum quali online demande une technicité particulière, qui nécessite un apprentissage. Lorsqu’il faut analyser et synthétiser plusieurs centaines de pages de réactions, les capacités mobilisées sont importantes.
Une autre manière d’arriver à vendre à un prix plus élevé consiste à développer une expertise et à capitaliser un savoir à partir des études accumulées. A l’instar des cabinets de stratégie qui s’appuient sur des bases de données importantes mutualisées mondialement, il y a la place pour une activité études et conseils adossée à un capital d’études.
La question du prix des études qualitatives est un sujet compliqué tant les paramètres sont mélangés et tant les manières de faire sont différentes. L’idée de cet article est de rappeler que nous faisons un métier formidable mais pas toujours rémunéré à sa juste valeur.
Les commentaires des confrères
Ayant envoyé l’article à quelques confrères afin de vérifier si ces perceptions étaient partagées, diverses réactions sont parvenues en retour.
Yves Krief, Pdg de la Sorgem, répond amicalement : « Sur la rentabilité des études, Il fallait que quelqu'un écrive çà. Excellente logique où tout ou presque tout est pris en compte. » Viennent ensuite quelques réflexions de sa part sur le fait que « les services études ne sont souvent pas habitués à acheter du conseil à la différence des directions générales » et que les instituts ont du mal à « déceler l' intérêt de faire ou ne pas faire l’investissement dans la réflexion sur les projets ». Yves Krief finit en s’interrogeant sur un autre sujet essentiel, « la rentabilité des études (notamment qualitatives), mais pour l’entreprise. Car si celles-ci ne payent pas les études à leur juste prix, c’est soit que le produit est opaque (difficultés à savoir ce qui distingue une bonne d’une mauvaise étude), soit que les structures d’entreprise ne les utilisent pas à leur juste valeur (pour des raisons qui restent à expliciter). »
Face au problème de l'opacité, les instituts doivent faire un effort de transparence et mieux rendre compte de leur valeur ajoutée aux différentes étapes : préparation, recrutement, animation, analyse, présentation. Idéalement, il faudrait pouvoir objectiver les différences dans les prestations proposées. Surtout que certains clients achètent une présentation orale alors que d'autres recherchent un travail d'analyse et de rédaction. Certains commanditaires s'attendent à une analyse très fouillée alors que d'autres préfèrent des top lines et un délivrable hyper-synthétique. Il faudrait prendre acte de l'hétérogénéité des besoins et des pratiques et accepter une plus grande variation budgétaire. Cela est malheureusement peu compatible avec les procédures d'appel d'offre, qui prennent mal en compte les nuances. Les décisions d'achat établies sur un tarif/groupe désavantagent les instituts, qui font un travail de dentelle. Seule une collaboration dans la durée permet d'ajuster la réponse à la demande et de porter les efforts sur les points cruciaux.
Robert Vitkine, d’ADVIR, a tenu à insister sur "la lourdeur des procédures des appels d’offre publiques, qui sont décourageantes en particulier pour les petites structures". Il reconnaît faire ce métier "avant tout par intérêt intellectuel" et passer parfois beaucoup de temps sur un projet d’étude. Il considère que les instituts d’études ne sont pas des vendeurs de marchandises, et qu'en conséquence, un feedback des commanditaires est essentiel compte tenu de l’investissement personnel, aussi bien en temps qu'en implication intellectuelle. Ceci dit, la qualité des études qualitatives en France lui paraît bonne, "par rapport à certaines approches anglo-saxonnes, qui privilégient la rapidité et le prix, au détriment de l'approfondissement. "
Jérôme Neveu a mis en avant l’intérêt d’un équilibre entre les études adhoc, qui amènent à réfléchir sur de nouveaux sujets et le courant d’affaires apporté par les études récurrentes, qui assurent la pérennité de l’entreprise. Il a aussi indiqué combien il était délicat de fédérer des commanditaires autour d’études en multi-souscription et qu’il se vivait comme « marrieur de clients ».
François Laurent a eu la gentillesse de détailler le mécanisme des appels d'offre en deux temps sur son blog suite à cet article.
D’autres commentaires suivront et vous seront retransmis au fur et à mesure. L'espace commentaires ci-dessous est également disponible. Le débat est ouvert et j’invite mes confrères ainsi que les commanditaires à réagir.
J'apprécie votre clarté et votre honnêteté intellectuelle. Le contenu de cet article (et de ceux de vos autres blogs) est trés intéressant. J'espère que vos clients savent reconnaître cette valeur.
Rédigé par : Pierre-Pascal Mancy | 16 septembre 2010 à 14:05