Puisqu’elles ont à traiter des phénomènes humains, de comportements et d’achats, les études marketing se heurtent chaque jour à la question de la complexité. Complexité des motivations mais aussi enchevêtrement des causes ou multiplicité des facteurs explicatifs.
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La complexité : n’est-elle pas un mot tabou, ennemie juré de la science, obstacle à la décision stratégique ? Au contraire, la connaissance scientifique fut longtemps et est encore souvent conçue comme le moyen de dissiper l'apparente complexité des phénomènes pour en révéler l'ordre simple sous-jacent. C’est tout le message de Descartes, fondateur de la science moderne : isoler les problèmes, réduire le complexe au simple.
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Le danger guette lorsque les outils de la connaissance simplifient à outrance, et mutilent plus qu'ils n’éclairent les réalités ou les phénomènes. Dans ce cas, il y a beaucoup à tirer des enseignements de la pensée complexe, y compris dans les études marketing.
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La science moderne s’appuie sur quelques principes simples formulés très tôt par Descartes (Règles pour la direction de l’esprit) : un principe de réduction du complexe au simple, et de disjonction des éléments et des disciplines. Comme le dis Edgar Morin, nous vivons sous l'empire de ce qu'on pourrait appeler un « paradigme de disjonction ».
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Les études marketing, en quête de respectabilité scientifique, ont souvent emprunté leurs techniques aux sciences dites « dures », naturelles, et tenté d’isoler des variables de comportement, en cherchant à éviter les biais, à isoler le consommateur chez l’individu, le conducteur chez le père de famille, la lectrice de magazine chez la jeune femme.
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Il n’est pas si facile d’appliquer à l’humain des outils conçus pour l’observation de la nature. La connaissance parcellaire, compartimentée, monodisciplinaire, excessivement quantificatrice mutile parfois la réalité qu’elle prétend expliquer, et conduit à une intelligence aveugle. Il faut nécessairement accompagner le mouvement analytique par un mouvement de synthèse qui relie et ramifie les connaissances, établit des ponts entre les disciplines. Pas d’astronomie sans mathématiques, mais pas de médecine sans éthique, ni économie sans sociologie.
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Pour le marketing aussi, il y a urgence à s’inspirer de nouveaux modèles, de concepts qui pensent la liaison des éléments et les rapports entre la partie et le tout. Les consommateurs à convaincre sont aussi des individus complets et complexes. Plutôt qu’en termes de disjonction et de réduction, il s’agit (aussi) de penser en termes d’organisation et de décloisonnement.
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Au lieu de prétendre « isoler » un individu donné pour l’interroger sous cloche derrière une glace sans tain, il faut l’étudier le plus possible dans son environnement, dans ses relations avec son entourage, et intégrer dans l’analyse les éléments de contexte qui sont habituellement ignorés. La photo et la vidéo in situ permettent d’appréhender l’environnement du consommateur dans toute sa richesse. Les nouvelles méthodes qualitatives sur Internet permettent d’interroger un individu ainsi que son entourage afin de revenir sur les facteurs d’influence et de relation qui construisent son choix.
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De même, il faut passer d’une vision statique à la vision dynamique d’un processus dans la durée ; être capable de suivre des individus dans le temps, pour épouser la vraie complexité des prises de décisions. Par exemple, dans le cas d’un achat de voiture, l’interrogation à un instant « t » réduit le rapport à l’automobile qui doit être appréhendé sur le plus long terme.
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La combinaison de méthodologies (observatoire, analyse sémiologique, groupe, entretiens, interview d’expert, enquête à grande échelle, etc) est beaucoup plus à même à éclairer un phénomène qu’une méthodologie unique. Le questionnaire quantitatif sec donne l’illusion de fournir des données scientifiques indiscutables alors même qu’il fonctionne sur un mécanisme réducteur et simplificateur nécessairement superficiel. La diversité des angles qu’offre un dispositif multiple est en affinité avec la complexité des phénomènes analysés.
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Cette proximité avec la complexité des phénomènes ne signifie pas qu’il faille produire des rapports d’étude incompréhensibles, ou des recommandations floues ou « molles », bien au contraire ! Cela signifie simplement qu’il faut laisser des marges de manoeuvre à l’intérieur même du processus d’étude, pour prendre la complexité à bras le corps, au lieu de la réduire avant même d’avoir commencé, sous prétexte d’efficacité.
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Les nouvelles technologies et les méthodologies online donnent l’opportunité de construire des méthodologies riches adaptées aux phénomènes complexes. Le rôle des instituts d’études est de savoir utiliser ces outils afin de rendre compte finement de la réalité avec des résultats simples et éclairants. Nous avons eu l'occasion de montrer lors du dernier séminaire IREP Efficacité tout l'intérêt du quali online pour appréhender un phénomène aussi complexe que la communication d'une marque à 360°.
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