Il faut remplacer l'opposition content marketing vs brand content par l'opposition content marketing vs brand entertainment. En effet, le brand content englobe toutes les formes d'expression éditoriales de la marque de l'information (apanage du content marketing) à l'entertainment. Voici quelques éléments pour clarifier un débat qui a lieu actuellement.
Comme l'a bien expliqué Francis Pisani dans l'ouvrage "Comment le web change le monde, l'alchimie des multitudes", avec le web, il est essentiel de maîtriser les méta-données, le nom des catégories.
Certains adeptes du content marketing comme Karine Abbou défendent leur catégorie en mettant en valeur une démarche qui serait plus stratégique et plus ROIste alors que la catégorie brand content serait selon eux une publicité 3.0.
Pour faire le point sur le territoire du content marketing, je recommande la lecture des derniers ouvrages de Joe Pulizzi dont j'ai fait la synthèse dans un précédent post. Il faut aussi lire ce post où Joe Pulizzi rejette le branded content.
De mon point de vue, le vrai gap se situe entre content marketing et branded entertainment. Le content marketing est une forme de contenu avec une vocation d'efficacité affichée là ou le branded entertainment insiste sur la dimension émotionnelle et spectaculaire. D'où une tension entre ces deux visions.
Avec Pascal Somarriba (pionnier du brand content depuis Benetton où il a lancé le magazine Colors), nous considérons le brand content comme une notion large couvrant les différentes expressions éditoriales de la marque. Le brand content a l'avantage d'être plus fédérateur. Si les adeptes du brand content ne sont pas bienvenus chez les content marketeurs (Karine Abbou exclut de sa liste d'influenceurs ceux qui se revendiquent du brand content), les content marketeurs sont les bienvenus au pays du brand content.
La dernière tribune de Karine Abbou, "Et si on arrêtait d'assimiler …" est éclairante.
Après avoir diagnostiqué une diversité de points de vue concernant les différences content marketing / brand content, son argumentaire consiste à dire que :
- le content marketing s'intéresse à l'audience et s'interdit de parler du produit : selon Karine, le brand content serait beaucoup plus orienté sur la valorisation de la marque et de son produit.
En réalité, le brand content embrasse toute la palette des contenus de la culture produit, aux contenus culturels et artistiques jusqu'aux contenus experts désintéressés. Le content marketing ne peut durablement exclure les tutoriels, les UGC et les témoignages consommateurs qui sont des contenus utiles et très efficaces. C'est d'ailleurs aussi ce que pense Altimeter du content marketing dans sa typologie récente. Venant de la culture journalistique (parfois anti-marque), il y a un certain purisme dans l'école du content marketing.
- le content marketing s'inscrit dans la durée Vs les campagnes one shot de brand content.
Certes le brand content couvre des opérations opportunistes, tactiques mais elle comprend aussi des stratégies éditoriales inscrites dans la durée. C'est pour que cela que nous voyons une affinité en termes de durée entre content marketing et brand content stratégique. Avec Pascal Somarriba, nous distinguons le strategic brand content comme un levier de création de valeur à long terme.
- le content marketing aurait le monopole de la technologie et de la data et serait beaucoup plus focalisé sur la remontée de leads et la conversion.
Tout à fait d'accord avec cette idée que le content marketing se caractérise par une vocation commerciale. Le brand content a des objectifs plus larges qui incluent la génération de leads mais également la mobilisation des collaborateurs, la création de sens, l'inscription de l'entreprise comme acteur culturel, etc Concernant la technologie et la data, elles sont présentes dans le brand content avec des marges de progression.
Les adeptes du content marketing semblent gênés par le périmètre trop large du brand content qui dilue leur spécificité. En gardant une vision large sur les contenus, on évite pourtant de créer une dichotomie contenus sérieux-long terme-efficaces et contenus divertissants-exceptionnels-émotionnels.
Je suis d'accord avec l'idée qu'il faut accorder plus de poids aux stratégies de contenu inscrites dans la durée. Le grand prix du brand content récompense des opérations récentes et tend à privilégier la créativité par rapport à la pérennité (les contenus long terme sont moins spectaculaires mais plus créateurs de valeur).
Ceci dit, il y a matière à développer une vision européenne de la création de contenu pour les marques (brand content) face au modèle américain (content marketing + branded entertainment).
Pour aller plus loin, il faudrait un vrai débat en chair et en os autour d'une série d'exemples. Je suis tout à fait disposé à y participer.
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