Poursuite des fiches de lecture à partir du livre Marketing Management avec un article d'A. Carù et Bernard Cova sur le marketing de l’expérience.
Voir également d'autres travaux en français sur le marketing expérientiel du même auteur : Téléchargement L'expérience de la consommation
Il est de plus en plus admis qu’il est nécessaire de ne plus seulement vendre un produit à un consommateur, mais que cette vente doit être précédée d’une expérience, ou doit en constituer une. Le but de cet article est de voir à quelles conditions cette expérience peut émerger et marquer le consommateur.
De l’expérience de marque
On a voulu faire de l’expérience de marque une expérience extraordinaire. Si l’expérience est nécessaire, parce que c’est elle qui fait naître des souvenirs impérissables de par les sensations et les émotions qu’elle procure, elle n’est pas nécessairement drôle et gigantesque.
Le problème est qu’on ne donne pas une expérience à vivre de manière pré-faite, une expérience ne s’offre pas, elle se fabrique par celui qui la vit. Une expérience s’approprie, et est, par essence, subjective. La marque ne peut donner que des pistes au consommateur pour qu’il vive l’expérience. Ces pistes seront suivies ou non par le consommateur. Si elles sont suivies, l’expérience vécue sera propre au consommateur, elle ne sera pas complètement déterminée par ce qu’aura voulu la marque. La marque peut seulement créer un contexte dans lequel une expérience de marque pourra naître.
Un contexte propice à une expérience de marque, doit permettre la création d’une expérience répondant à trois critères : Thématique / Sécurité / Enclavement
L’expérience doit avoir lieu dans un monde séparé enclavé, qui lui est propre, afin d’emmener le consommateur loin de ses expériences quotidiennes.
L’expérience doit être sécurisée, le consommateur ne doit souffrir aucune préoccupation, afin de s’adonner pleinement à son expérience.
Un thème est nécessaire pour distinguer cette expérience du reste de la vie quotidienne, et lui donner une dimension spécifique. Une thématique est nécessaire pour donner une symbolique à l’événement. Cette thématique n’a pas une nature précise : ce peut être une population, une date, une couleur… Pour matérialiser le thème il faut faire une certaine mise en scène, des décors appropriés, etc.
Il existe 4 sortes de contextes à expériences de marques
- Les magasins. On pense à Apple Store, Nike Town, ou encore Audi Forum.
Il y a un côté ludique, c’est une expérience proche du parc d’attractions.
- Les industries de marques.
Volkswagen Autosdat à Wolsburg, l’industrie Crayola à Amsterdam, la Guiness Factory à Dublin et la Heineken experience à Amsterdam.
Il s’agit d’une expérience entre le tourisme et le shopping.
- Les fêtes d’une marque
- Les sites internet, qui permettent une expérience virtuelle
Il y a eu de vraies critiques de ces concepts
L’enclavement ne permet pas une vraie expérience, puisque l’on est dans un monde artificiel, par exemple. L’erreur vient du fait que l’on considère ici que l’expérience vient forcément de ce qui est proposé sur le marché. Pourtant, il y a plusieurs sortes d’expériences :
-les expériences résultant de nos relations familiales
-celles résultants de nos liens amicaux
-celles résultants de liens avec l’Etat
-celles résultant de nos liens avec le marché.
L’expérience n’est donc pas toujours liée à ce qui est proposé par le marché.
Il y a des degrés à distinguer, il y a plusieurs sortes d’expériences :
-Les expériences créées par l’individu (Une soirée entre amis par exemple)
-Les expériences qui sont proposées par le marché et réappropriées par les individus (Une box permettant de choisir son voyage par exemple)
-Les expériences suscitées par le marché, et qui sont très peu réappropriées (l’Apple store par exemple)
Nous nous sommes beaucoup trop focalisés sur le dernier type d’expérience, croyant que seule l’expérience extraordinaire peut avoir un sens pour le consommateur. Pour Bruckner, il faut arrêter de penser l’extraordinaire, arrêter de penser l’euphorie perpétuelle, il y a de l’expérience non euphorisante aussi à exploiter. Des expériences de toutes les intensités existent.
Accéder à l’expérience
Accéder à l’expérience n’a rien d’automatique. Pour expérimenter ce qui est proposé, il faut avoir déjà un peu vécu avec la marque, la connaître…Aussi il faut faciliter l’accès à l’expérience pour les novices grâce à des outils spécifiques. On souffre aujourd’hui de l’image de l’immédiateté : rien n’est immédiat. C’est pourtant une idée qui est communément répandue chez les marketeurs. Les chercheurs en consommation culturelle soutiennent qu’au contraire, l’expérience est progressive et partielle et non pas immédiate et totale.
Il faut trois outils pour aider à l’appropriation de l’expérience : Aide / Action collective / Autodétermination
Il faut d’abord la présence d’aides, de guides, pour faciliter le cheminement du consommateur vers l’expérience. Ce guide peut être une personne réelle ou virtuelle, un média…Il faut une vraie empathie de ce guide, qu’il mette en confiance par son écoute du consommateur : il ne s’agit pas d’une simple transaction commerciale mais d’un échange sympathique où le guide est passionné et convaincu.
Ces aides pour cheminer vers l’expérience peuvent prendre la forme de références que connaît le consommateur. Ainsi, pour expliquer quelque chose de technique au consommateur, peut-être une métaphore de quelque chose qu’il connaît mieux sera appropriée.
Ensuite, pour aider le consommateur à aller vers l’expérience, il ne faut pas négliger la dimension collective du contexte créé. On s’engage plus facilement lorsqu’on est dans une situation de partage où l’on apprend d’autrui et où l’on apprend à autrui, tout en vivant des émotions simultanément. Ainsi, des marques comme Ducati ou Harley Davidson fonctionnent beaucoup par communautés : les jeunes s’engagent d’autant plus facilement qu’ils sont parrainés par des plus anciens. Les contextes d’expérience sont des contextes où les échanges, les rencontres sont possibles. Par exemple, les supermarchés, au lieu d’être de grandes allées devraient être remplis de petits recoins où chacun pourrait donner ses impressions aux autres acheteurs, ce serait bénéfique pour les ventes. L’événement the North Face ultra Trail du Mont blanc est un bon exemple de cette intégration du collectif dans le contexte : des rencontres sont organisées avec les sportifs, des pauses permettent aux spectateurs de parler entre eux.
Pour favoriser le collectif, des rituels peuvent être organisés. Ainsi lors de la Scala, soirée d’Opéra très connue en Italie, 200 places peu chères sont réservées à la vente le jour même (alors qu’elles pourraient être vendues beaucoup plus chères si elles étaient vendues à l’avance), et sont vendues selon un rite bien spécial. Ainsi une file d’attente est créée dès 6heures du matin, et les gagnants des places à tarifs réduits doivent rester toute la journée sinon ils perdent leur privilège du tarif réduit. Ce temps passé ensemble entre les gagnants est tout à fait propice à une expérience véritable.
Enfin, il faut donner du pouvoir au consommateur pour qu’il vive une vraie expérience. The home depot, par exemple propose une série de Workshops « Do it Herself » où les femmes sont invitées à apprendre à créer un patio, à utiliser des outils élaborés…
De même, la marque de voiture Scion a très bien marché parce qu’elle proposait une vraie customisation des voitures, les acheteurs ont été séduits par le pouvoir qui leur était conféré de modeler leur voiture à leur guise.
Tous les éléments de la Scion peuvent être changés, personnalisés
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