La production de contenu par les marques est aussi une question managériale comme l'explique très bien l'entreprise Altimeter, qui a interviewé une soixantaine d'entreprises sur leurs pratiques. Altimeter distingue 5 stades de maturité au sein des organisations présentés dans un livre blanc et à l'occasion d'un webinar début mars.
L'enjeu est d'adapter l’organisation pour produire et diffuser un contenu efficient. Voici les principaux enseignements de ce livre blanc.
Les marketeurs sont confrontés à de nouveaux enjeux : ils doivent créer et publier des contenus ayant trait à l’entreprise dans son ensemble, et non plus à sa seule dimension marketing. Pour capter l’attention des consommateurs, les entreprises ont pour défi de mettre en place des stratégies marketing de contenu de type « pull » qui supposent la mobilisation de nouvelles approches. Pour continuer à attirer et engager les consommateurs, les entreprises doivent développer de nouvelles compétences et doivent apprendre à penser et à fonctionner comme des éditeurs, des producteurs et souvent, comme des community managers.
Pour rééquilibrer il donc est essentiel de :
- Privilégier les initiatives pérennes, continuelles vs. les campagnes de publicité/communication ponctuelles
- Tenir compte des nouvelles exigences du service marketing et de l’entreprise
Tout l’enjeu étant de passer à un marketing d’« attraction » via la production d’informations, de discours, d’événements, etc. Les marketeurs doivent impérativement passer du statut de publicitaires à celui de storytellers. Car les storytellers attirent, séduisent, divertissent et informent. Souvent, ils rentrent directement en dialogue avec leur audience, ils sont à l’écoute de ses réactions, et ajustent leurs récits en conséquence, sur le fond comme sur la forme.
L’émergence des technologies permettent désormais à chaque marque de fonctionner comme une entreprise médiatique avec des avantages véritables : la construction de marque, la confiance en la marque, le bouche à oreille, le renforcement de l’engagement des publics cible vis-à-vis de la marque, etc. Contrairement à la publicité, la production de contenu est continue et non épisodique, et ne concerne pas que le Département Marketing mais l’entreprise dans son ensemble. Le contenu nécessite un changement dans la culture d'entreprise, ses ressources, ses partenaires, et sa stratégie de développement globale. La question est de savoir si il faut s'adapter maintenant ou attendre, sachant que la course pour attirer l'attention peut devenir encore plus difficile qu'elle ne l'est aujourd'hui.
Les principales conclusions de l’étude menée par Altimeter fin 2011 auprès de 56 interviewés engagés dans l’évolution du marketing culturel, montrent que :
- La production de contenus représente un investissement financier important
- Le contenu et la publicité, pour être véritablement efficients, devraient être interreliés
- Les marketeurs sont attirés par de nouveaux canaux de communication et technologies
- Dans les cinq prochaines années, le marketing de contenu concernera tous les départements de l'organisation
Le rééquilibrage nécessite une intégration des changements culturels et organisationnels au sein même de l’entreprise
- Un changement de culture au sein de l’entreprise au-delà du seul département marketing
- Former les collaborateurs et développer de nouvelles compétences
- Le contenu est produit et circule à travers toute l’entreprise : les histoires et les récits sont partout
- La mise en place de réseaux sociaux d’entreprise peut aider à donner à chaque employé un espace d’expression et à recueillir leur voix
Le modèle de la maturité du marketing de contenu
Altimeter propose un modèle particulièrement éclairant pour comprendre les différents stades de la maturité face au contenu. Cette typologie est fonction du stade d’évolution des organisations en matière de marketing de contenu. Ont été discriminées 5 étapes de développement :
A ce premier stade, l’organisation n’a pas encore conscience du potentiel stratégique du marketing de contenu. Déjà plus ou moins familiarisée avec les médias, elle possède généralement un blog et/ou un site internet. Cependant son activité de production et de publication est irrégulière et, surtout, n’est pas considérée comme essentielle au développement et à l’assise de l’organisation. Dans ce contexte, le Département Marketing base son activité presque exclusivement sur des communications de type « push », à savoir, le mailing, l’e-mailing et la publicité.
Bien que l’organisation ait, à ce stade, discuté des éléments marketing de contenu, aucune des parties prenantes ne s’est intéressée à la question du contenu. Afin d’évoluer vers le second stade de maturité (Stretch), elle a besoin d’un catalyseur qui mettra en exergue l’importance du contenu pour ses stratégies marketing et communicationnelle, ainsi que pour les équipes commerciales. Le but étant de développer une stratégie pour accompagner ses initiatives en matière de production de contenu.
2. STRETCH: Expérimentation
Une organisation appartenant à ce second stade a conscience de la valeur du marketing de contenu. Elle développe alors une dynamique d’élaboration d’une stratégie de création et de publication de contenus. Il est important de comprendre que, si la plupart des outils de communication et des médias utilisés lors de cette phase sont gratuits, le contenu nécessite, lui, un investissement important en ressources .
Un responsable de projet est alors nommé pour diriger le programme et communiquer son intérêt pour le développement l’organisation. Ce responsable est alors chargé d’identifier et de composer l’équipe de collaborateurs qui sera responsable du marketing de contenu. Cette dernière sélectionnera les premiers canaux les mieux adaptés, formalisera les premiers contenus, et évaluera les relations avec les agences potentielles.
La stratégie de production du contenu doit se cristalliser autour des produits ou des services de l’entreprise, mais pas spécifiquement sur eux. Le contenu ainsi produit est alors diffusé via un ou deux canaux « discrets » (par exemple : blog, livre blanc, ou articles, Page Facebook, ou une chaine YouTube)
3. WALK: Stratégie et processus
A ce troisième stade, la création et la production de contenu reposent sur une solide stratégie organisationnelle. D’un canal spécifique (ex.« nous blogguons»), le contenu devient un canal en lui-même et est distribué à travers une variété de canaux et de plateformes.
A l’étape du « walk » les processus de production de contenu sont formalisés. C’est le stade durant lequel l’équipe en charge du marketing de contenu commence à se pérenniser et que sa stratégie s’affine. Aussi, l’équipe commence à établir des règles permettant de façonner et rationaliser les processus de création de contenus.
Le contenu existant, tout comme les sources de contenu potentielles, sont identifiées et unifiées au sein de tous les départements de l’organisation. Le contenu est ensuite formellement identifié et évalué, via un système de notation voire de classement. Le contenu est optimisé pour sa diffusion digitale et sociale. Aussi, les efforts portent désormais sur l’identification de contenus et de pratiques reproductibles, déclinables, et durables. Le responsable de ces opérations travaille en étroite collaboration avec les équipes du Département Communication de l’organisation.
4. JOG: Culture de contenu
Cette quatrième étape du modèle de la maturité est le stade que la majorité des entreprises foncièrement engagées dans le marketing de contenu aspirent à atteindre. La stratégie de l’organisation est claire et est particulièrement valorisée au sein de l’entreprise, à travers des programmes de formation spécifiques. L’accent est mis sur l’extension de l’équipe en charge du marketing de contenu et de sa capacité à produire de l’expérience, du contenu engageant et pas simplement de créer et publier des histoires simples et ou des informations partielles. Ces processus de production de contenu sont plus élaborés et hautement stratégiques.
Le contenu est produit en vue d’être réutilisé et reproposé via une diversité de médias et de plateformes. Pour cela, il s’agit d’un contenu qui possède une existence propre, une durée de vie autonome, indépendamment de la marque, de ses produits ou de ses services, afin qu’il puisse circuler et se diffuser le plus largement possible. Les relations avec l’agence éditoriale sont approfondies : il s’agit de mettre en place des engagements sur le long terme et pas seulement des relations ponctuelles ou épisodiques. Les connexions entre l’équipe chargée du contenu et les collaborateurs chargés de la communication se solidifient, bien qu’il puisse subsister des obstacles et des difficultés relationnels.
Le travail de l’organisation a atteint une maturité qui lui permet de produire un flux constant d’informations, et d’étendre sa portée via les médias gratuits. Le challenge continuel est d’atteindre un équilibre des ressources qui garantisse l’évolution de l’organisation, la constance des coûts engendrés, tout en maintenant un niveau élevé d’engagement des publics cibles. Les marketeurs se concentrent essentiellement sur les technologies et les canaux plus récents, les plus sophistiqués, et les plus technologiquement avancés, afin d’aller au-delà de la recherche basique et du simple envoi d’e-mail.
5. RUN : Monétisation
Cette dernière la phase est la plus aspirationnelle du modèle. Seulement une poignée d’entreprises ont commencé à « courir », et en premier lieu les marques de grande consommation, dont les initiatives marketing sont étroitement liées à la culture populaire. A ce stade, l’intégration du marketing de contenu et la curation font partie intégrante du processus de fabrication de quasiment tous les aspects de l’image de marque. L’organisation est devenue une authentique entreprise médiatique et éditoriale, maintenant capable de monétiser des contenus innovants de marque et/ ou liés à la marque.
Le contenu est vendu pour son intérêt propre. Les médias gratuits (et plus spécifiquement ceux qui s’appuient sur la production de contenus par les consommateurs eux-mêmes, les UGC) sont souvent plus signifiants que les médias propriétaires, payants. Les médias partagés entre l’entreprise et ses partenaires deviennent de véritables atouts. Les relations multidisciplinaires supposent la production efficiente d’un contenu de haute qualité, professionnel et créatif. Ainsi, production et créativité interagissent pour former une unité holistique et autonome. De nouvelles opportunités sont découvertes et exploitées, et ont trait davantage à l’expérience de la marque qu’à ses produits et services.
Tableau récapitulatif :
Stade |
1. STAND |
2. STRETCH |
3. WALK |
4. JOG |
5. RUN |
Caractéristiques |
Curiosité et considération |
Expérimentation |
Stratégie et processus |
Culture de contenu |
Monétisation |
Description |
Pas de conscience de la place nodale du marketing de contenu dans la stratégie de marque
Pas de stratégie formelle
Pas de ressources ou de stratégie en interne dédiées à la création de contenu |
Stratégie de contenus en cours de formalisation
Contenu via des canaux discrets
Pas de ressources en interne
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Stratégie de contenus solide
Le contenu devient le canal
Processus formalisés
Contenu durable élaboré en collaboration avec des agences pour la création et la production de supports
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Pérennisation de la stratégie de contenus : inciter à la créativité
Contenu qui a une existence autonome : produire de l’expérience
Outils et plateformes élaborés : ex. vidéos et applications smartphone
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Contenu intégré à la stratégie de marque
La création de contenus dépend des Département marketing et communication
Entreprise est une entreprise médiatique à part entière
Expérience de marque |
Charlen Li : Fondatrice du Groupe Altimeter et auteur du livre Open Leadership. How Social Technology Can Transform the Way You Lead paru en 2010
Rebecca Lieb : Analyste media et communication digitale chez Altimeter
Altimeter est un cabinet de conseil spécialisé dans les études ayant trait aux nouvelles technologies et leurs applications et implications dans l’entreprise.
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