Dans le débat sur les différences entre publicité et brand content, il y a un type de contenu, qui pose question car on peut le qualifier à la fois de spot de publicité ET de court-métrage voire de « mini-métrage » (expression forgée par Jean-Paul Goude à propos de son spot Egoïste). Voyons les raisons du fort développement de cette forme de communication.
Beaucoup d’entre nous ont été marqués par le film Chanel de 2006 avec Nicole Kidman réalisé par Baz Luhrmann. Ce film de 2 minutes avait coûté 25 millions de dollars. Depuis ce film, nombre de marques notamment de luxe ont eu recours à ce principe de courts-métrages publicitaires avec des réalisateurs comme Bruno Aveillan, qui a réalisé des films pour Louis Vuitton, Svarowski ou Shangri-La. Certains films peuvent être des clips ou des performances à l’instar du film-ballet d'Air France sur un miroir (60 secondes en version longue), du dernier film de Cartier avec le groupe Air, du clip sur les robots de Chanel ou des baby rollers d'Evian.
Sur le site de veille, nous avons recensé plusieurs dizaines de courts-métrages de ce type. Ce phénomène s’accélère et vous pouvez découvrir un florilège d’exemples sur Blended, l’excellent site de Première Heure.
- Martini et la campagne « Luck is an attitude », deux films au scénario identique où l’un des héros provoque sa chance, l’autre non ;
- Mini et Rocketman Concept, une campagne à la belle diversité visuelle conçue par Postpanic ;
- Coca-Cola et Ride, un court-métrage conçu par Garth Davis pour la marque Burn ;
- IKEA et Climber, un mini-film humoristique sur la vie domestique ;
- Agent Provocateur et sa campagne porn chic Les Fleurs du mal ;
- Hermès et sa campagne Cavalier Noir, où la danse du cheval crée une harmonie à la fois visuelle, sensitive et sonore :
- H&M et Versace, un court-métrage où les mannequins portant les créations Versace for H&M sont des poupées mécaniques…
A fois spots publicitaires et courts-métrages, ces contenus d’une à trois minutes (maximum 5 minutes) sont de plus en plus utilisées par les marques. Ces contenus courts permettent aux marques de proposer des séquences musicalement et visuellement très réussies, diffusables sur tous types de support y compris les médias sociaux, et souvent plébiscitées par le public.
- En tant que contenus de marque, ils ont l’avantage d’être concentrés. Cette durée de 1 à 2 minutes est compatible avec la disponibilité des spectateurs. Elle permet aux marques d’utiliser des moyens importants au service d’un contenu exceptionnel. Elle épouse une logique de messages courts et innovants héritée de la publicité, comme nous l’évoquions dans un précédent article. Dans ces contenus, la marque apparaît sous forme de placement de produit et/ou comme éditeur du contenu.
- En tant que messages publicitaires, ces spots représentent un véritable intérêt esthétique et émotionnel.
Traditionnellement, le film cinématographique et le film publicitaire appartiennent à deux genres différents et bien distincts, le film publicitaire étant une version dégradée du genre cinématographique. Dans le paysage média actuel où il faut capter/captiver l’attention du spectateur avec du contenu intéressant, les marques (d’autant plus, les marques de luxe) ne peuvent plus se contenter de films publicitaires « purs ».
Le format publicitaire est défini par une série de conventions, qui font qu’il est facile de reconnaître le genre, tandis que l’expérience cinématographique se reconnaît à de grands traits prototypiques. Le mini-métrage publicitaire, dont le film Dior Homme est un modèle du genre, emprunte aux conventions des deux genres et décloisonne ainsi la distinction traditionnelle entre la publicité et le cinéma : c’est ET de la publicité, ET du cinéma. : on fait entrer la publicité et son mode de fonctionnement vis-à-vis des spectateurs sur un plan qui est équivalent à celui du cinéma : le plan du récit et des émotions.
Ces contenus très utilisés par les marques de luxe qui s’emparent de pratiques artistiques et permettent de renforcer la stature luxueuse / la légitimité de la marque de luxe en conférant au contenu produit le statut d’œuvre d’art . Elles inscrivent ainsi la marque dans la sphère de la culture légitime/institutionnelle.
Film publicitaire classique |
Film cinématographique
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ü Un format court
ü Un argumentaire simple (conviction)
ü Une star utilisée de façon « littérale » (the choice of)
ü Un packshot / focus sur le produit
ü Une plage média « dédiée » (encart publicitaire TV, Presse…)
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ü Un format long
ü Un scénario complexe (récit/narration/émotion)
ü Une star qui joue véritablement un rôle
ü Pas de fonction commerciale, mais création d’un univers de sens
ü Fiction / foi poétique et dimension onirique (faire rêver/divertir) |
Les agences de publicité vont assez naturellement vers cette forme de communication, qui cumule de nombreux atouts.
La contrainte de temps n'est pas forcement ce qui change… mon avis est que c'est plutôt une remise en question de la fonction même de cette surface d'expression, et ce, au delà de l'aspect timing
Rédigé par : GregGUILLEMIN | 06 décembre 2011 à 11:28
Je rajoute juste deux films extrêmement intéressant.
Le dernier film Dior (par Ellen Von Unwerth) de plus de 8 minutes :
http://www.blended.fr/11625/ellen-von-unwerth-%E2%80%9Ci-found-my-love-in-portofino%E2%80%9D/
Et la série de court métrage pour Cartier :
http://www.blended.fr/11631/le-cinema-de-cartier/
Merci pour le coup de projecteur sur Blended !
Au plaisir de vous lire,
Aurélien.
Rédigé par : Aurélien Poirson-Atlan | 06 décembre 2011 à 16:56