Par Pascal Somarriba et Daniel Bô
Les stratégies de contenus doivent idéalement se développer et s’approfondir dans la durée avec une logique de démultiplication et de constitution de patrimoine. Voici un article écrit à quatre mains dans la foulée de la conférence du 6 décembre sur le brand content stratégique.
Tout d’abord, soulignons que la plateforme de brand content doit être générative dès sa définition.
Le brand content génératif
On parle de « générativité » du brand content pour désigner la capacité en amont d'entrevoir le potentiel de développement, dans le temps et sous des formes diverses (multi touchpoint), d'une plateforme de Brand content ou d’un projet culturel de Marque. Dès la définition, il faut donc envisager le déploiement du contenu dans un plan événementiel et de développement, en association avec des produits, services et manifestations de la marque. Le brand content permet une multiprésence sur tous les points de contact et un rayonnement de la marque beaucoup plus fort que le marketing traditionnel.
La politique de contenu de Leclerc autour du pouvoir d’achat a démarré avec le blog du président avant de donner naissance à une myriade d’initiatives. IBM avec Smarter Planet a initié une politique de contenu foisonnante avec différentes thématiques (Smarter City, Retail Business Club, Genographic, etc) et une palette de supports (magazine imprimé, documentaires, conférences, sites thématiques, etc).
En utilisant le brand content, la marque développe progressivement une "library", c’est-à-dire un ensemble de contenus qui devient un fonds patrimonial de marque dans une logique muséologique moderne. Chaque production doit pouvoir durer dans le temps, être réutilisable et mobilisable.
Le patrimoine de contenus (Library)
Une fois la « Library » suffisamment développée, la marque en expose les œuvres à travers le monde en les intégrant dans des concepts multiples. En effet, les contenus créés peuvent être multiples du moment qu’ils restent pertinents par rapport aux valeurs et à la stratégie de la marque ; la « Library » a vocation à être un patrimoine vivant, et non une collection de contenus archaïques jamais réutilisés. Comme dans une œuvre artistique, ce qui importe, c’est la multiplicité, les évolutions et déclinaisons sur un même thème ou une même Weltanschauung, où les différentes composantes se répondent, créant divers niveaux de lectures. Même les exécutions moins réussies deviennent intéressantes dans un contexte de patrimoine culturel. Au fil des années, Coca-Cola a accumulé un tel patrimoine de contenus que la marque a pu créer "World of Coca-Cola", un parc d'attraction qui est devenue la destination phare d'Atlanta ou organiser des tournées de Noël dans les galeries commerciales françaises.
Les marques qui n'ont pas ces fonds culturels et artistiques sont dans l'incapacité de profiter de ces mises en scène valorisantes de leur marque (dans les musées, dans des espaces, dans des flagships, lors d'ouverture ou d'événements de la marque, des utilisations multiples sur le net à la fois d'exposition, mais aussi collaboratives et sociales etc). Pourtant, la dimension patrimoniale n'est souvent pas assez prise en compte dans la valorisation du brand content.
Le cas Benetton avec Fabrica et Colors
Dans l’exemple de Fabrica, la « boîte à idées » de Benetton, on voit bien comment le patrimoine culturel de la Marque étendue de Benetton (Benetton, Colors, Fabrica) se construit dans le temps, avec des projets de plus en plus complexes. D’une simple marque de vêtements, on passe à des œuvres pour des commanditaires extérieurs (ONG, musées, villes, autres marques…). C’est ainsi que Fabrica peut occuper deux étages du Centre Pompidou, ou d’autres grands musées dans le monde, tout à fait légitimement et sans aucune démarche marketing de la part de Benetton, qui ne sponsorise pas ces espaces. Si sa politique de brand content est assez ambitieuse, la marque, déjà agent industriel, devient donc un agent culturel.
De nombreuses Marques de luxe s’inscrivent dans cette démarche depuis bien longtemps, en sélectionnant des axes culturels dignes d’intérêt et en accord avec l’histoire de la marque. Yves Saint Laurent a certainement été un pionnier de ce mouvement (expositions, livres, événements en tous genres), qui légitiment la marque comme leader culturel dans son domaine.
L’exemple de Macy’s avec Virginia, devenue icône des fêtes pour l'enseigne
Ces notions de générativité et de patrimoine sont bien illustrées par l’exemple « Yes Virginia », un mini-film d’animation produit par le ditributeur américain Macy’s. Tout est parti d’un conte de Noël créé par Macy’s et diffusé en 2009 sur CBS, intitulé« Is There a Santa Claus? » (« Y a-t-il un Père Noël ? ») en référence au le titre d’un article de la page rédaction du New York Sun du 21 septembre 1897. Celui-ci est devenu une référence des traditions de Noël aux États-Unis de par sa célèbre réplique « Yes, Virginia, there is a Santa Claus ». Cette histoire relatée sur Wikipedia a inspiré Macy’s qui a proposé à CBS d’en faire un film d’animation de 30 minutes diffusé juste avant Noël 2009. Le programme primé au One Show Entertainment a été repris sur Facebook.
Ce qui est remarquable dans cette opération, c’est que la fiction de grande qualité, très discrètement signée par Macy’s à l'antenne, est le point de départ d’une multitude de développements. Dès 2009, Macy’s a organisé la tournée d’un bus aux USA, différentes opérations interactives autour des souhaits de Noël, un guide de conseils d’achats pour les cadeaux de Noël, une lettre téléchargeable destinée au père Noël à envoyer via des boîtes aux lettres placées dans les magasins Macy’s.
Depuis 2009, Virginia fait l’objet d’une orchestration exemplaire sous la houlette de JWT. Devant le succès de l’opération, le personnage de Virginia est maintenant mobilisé de manière récurrente pour les périodes de fête (ex : Macy’s Thanksgiving day parade, livre et DVD vendus notamment chez Macy’s, vitrines de noël, personnage d’animation vivant capable de répondre à des interviews). Une bonne illustration de la capacité générative du contenu dans la durée en partant d’une opération spéciale, qui aurait pu rester un one shot et qui est devenu un classique. Une bonne façon d’apporter du rêve (« Magic of Macy’s », le slogan de la marque) dans un secteur qui joue beaucoup sur le discount.
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