Stratégie de long terme pour donner de la consistance à une marque, le branding est souvent considéré comme un simple impératif marketing. Mais il ne s’agit pas seulement de faire connaître sa marque grâce à des campagnes publicitaires : le branding, c’est la création d’une culture de marque porteuse de valeur pour le client. D'après l'article Brands and branding de Douglas B. Holt, fiche de lecture rédigée par Marine Baudin-Sarlet de QualiQuanti.
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Qu’est-ce que le branding ?
Toute marque, avant de se lancer sur un marché, doit définir sa proposition de valeur, c’est-à-dire ce qui la différencie de ses concurrents et donne envie aux clients d’acheter ses produits et non les autres disponibles sur le marché : un rapport qualité-prix particulièrement avantageux, un design novateur, une technologie avancée…
Mais les clients ne sont pas des homo oeconomicus purement rationnels : s’ils prêtent bien entendu attention aux critères objectifs du produit, ils sont également influencés par des raisons plus subjectives, en particulier l’univers que la marque a su – ou pas – construire autour de son produit. C’est ce que l’on appelle le branding : ce que raconte la marque à travers son produit, la brand culture qu’elle cherche à construire autour de lui.
Un produit qui vient d’être lancé sur le marché par une marque inconnue n’évoque ainsi rien aux clients : même si la marque a un nom, un logo et un argumentaire commercial propre, ces trois dimensions ne sont pas rattachées à un vécu signifiant (expériences de consommateurs, retombées médiatiques, campagnes publicitaires, événements de marque…). Les marques qui ont réussi leur branding sont celles qui ont ajouté du sens aux différents éléments qui les composent :
- un nom évocateur (MacDonald’s, et son raccourci affectueux et universel de « MacDo », devenu un nom commun à part entière : « se faire un macdo »)
- un logo aisément reconnaissable et indissociable de la marque (la virgule de Nike)
- un argumentaire produit qui devient une caractéristique de la marque (le bruit caractéristique des Harley Davidson).
Qui crée du branding ?
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le branding n’est pas un phénomène purement interne, entièrement contrôlé par la marque. Bien entendu, l’entreprise correspondante est le premier moteur de branding : grâce à sa stratégie de marketing, de publicité et ses différentes initiatives pour créer un patrimoine d’évocations positives autour de sa marque, elle cherche à construire une brand culture cohérente, consistante et valorisante. Mais d’autres acteurs se révèlent puissants dans la construction de cette identité de marque :
- la culture populaire contribue très souvent à lier le produit avec une identité culturelle en accord avec l’époque : au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la diffusion du mythe du Père Noël a contribué à enraciné Coca-Cola dans la culture populaire. De la même façon, les placements de produits dans certains films ont fortement contribué à faire acquérir au produit une légitimité (Pepsi dans Wayne’s World). De même, par la publicité, l’entreprise effectue des choix artistiques qui la replacent dans un patrimoine culturel particulier (Coca-Cola s’inspire par exemple en permanence de la joie de vivre des années 1960, devenue un élément fondamental de sa brand culture).
- Le consommateur lui-même est l’un des créateurs privilégié de l’identité de marque, car il représente la source première de bouche-à-oreille sur le produit. C’est pour cela qu’il est capital pour la marque de commencer en faisant bonne impression : un faux pas est immédiatement répercuté à travers la clientèle via le bouche-à-oreille et peut décrédibiliser une marque en un temps record (exemple du scandale de Nike qui employait des enfants sous-payés dans ses usines asiatiques).
- Les leaders d’opinion (presse, revues spécialisées, colloques de professionnels) sont enfin une dernière condition sine qua non d’un bon branding : la marque doit faire connaître sa nouvelle identité à travers les cercles d’experts, qui avalisent (ou non) cette image de marque.
Quels sont les différents éléments utilisés ?
Le branding passe par 3 types de contenus associés à la marque :
- Les histoires et les anecdotes autour de la marque ou des produits : les marques essayent, de plus en plus, de rassembler des communautés de consommateurs racontant leur expérience de la marque (phénomène accentué avec l’importance accrue des médias digitaux). Ces histoires sont un fondement obligé de la brand culture.
- Les images associées à la marque : le logo est le plus représentatif, mais d’autres images et évocations peuvent être associées à la marque (par exemple, pour tous ses produits, Ferrero insiste sur les notions de douceur et de confort qu’ils procurent). Ces images sont fondamentales pour la création de la brand culture : il s’agit des connotations inconscientes que le client associe à la marque.
- Les associations d’idées : la marque a besoin d’être incarnée dans au moins un produit phare. Même lorsque le produit est retiré du marché pour cause d’obsolescence, il continue d’influencer significativement l’image de la marque auprès des consommateurs.
Quels sont les gains pour la marque ?
L’entreprise retire d’une politique de branding 4 valeurs primordiales pour s’imposer durablement sur un marché :
- La valeur de réputation : la marque doit être perçue comme un partenaire fiable, auquel on peut faire confiance – surtout en BtoB ou lorsqu’il s’agit d’un achat important pour un particulier. En proclamant la dévotion de ses employés à résoudre coûte que coûte chaque problème technique qui pourrait advenir (« Les conseillers d’IBM préfèreraient manquer leur propre mariage que l’appel d’un client leur demandant de l’aide ! » plaisantait la compagnie), IBM s’est durablement construit une image de marque de valeur parmi ses clients.
- La valeur relationnelle : les clients doivent se sentir proches de la marque : elle ne doit pas être une entité abstraite, souveraine et muette, mais établir un certain contact avec eux qui permette de construire une relation de partenariat entre la marque et sa clientèle.
- La valeur expérientielle : le branding aide les consommateurs à mieux utiliser le produit, en gardant en tête toutes les expériences clients que la marque a propagé. Par exemple, les marques de lessives lancent généralement plusieurs gammes, chacune spécialisée dans la résolution d’un problème particulier (conserver le blanc, enlever les tâches tenaces, adoucir le linge…). Le particulier est donc guidé dans l’utilisation du produit : il dispose d’un know-how, d’une initiation à la pratique de la marque.
- La valeur symbolique : la marque devient, plus qu’un producteur marchant, un constructeur d’identité pour ses clients, qui adoptent les produits de la marque parce qu’ils véhiculent un état d’esprit dont ils se revendiquent (la jeunesse, l’innovation, la créativité pour Apple).
Ces différents gains sont de véritables avantages compétitifs pour la marque. En effet, ils créent une image de marque qui va être durablement ancrée dans les mentalités des consommateurs et influencer leurs achats : c’est la théorie de l’heuristique de l’habitat préféré. Un consommateur a en effet tendance, une fois qu’il a choisi une marque et qu’il s’y est habitué, à s’en tenir à ce choix, en achetant toujours ses produits habituels, sans même prêter attention à la concurrence. En effet, dans un environnement saturé de sources d’information, le consommateur ne peut pas tout assimiler et préfère s’en tenir à des choix sans risque puisque déjà testés. Une fois que la marque a convaincu un client, il reste donc en principe fidèle, revenant sans cesse à son « habitat préféré » dont il est sûr de tirer satisfaction.
Quels éléments influencent, en pratique, le branding ?
Nous avons vu plus haut que le marketing n’est pas la seule manière d’exprimer une identité de marque. Lorsqu’elle se lance dans une stratégie de branding, la marque doit vérifier l’influence de tous ses composants sur son identité : La marque est-elle assez novatrice ? Le design du produit et le packaging sont-ils en accord avec l’image que la marque veut faire passer ? La politique de prix ne va-t-elle pas à l’encontre de la réputation que la marque souhaite acquérir (par exemple, l’entreprise asiatique d’électroménager Haier a substantiellement remonté ses prix dans la décennie 1990 pour envoyer au marché un signal de qualité) ? Les vendeurs sont-ils doués pour raconter la marque ? L’éthique de la marque, son esprit corporate, reçoivent-ils de bonnes retombées dans la presse et le bouche-à-oreille ? Le système de distribution est-il en accord avec l’identité de la marque (par exemple, les marques de luxe ne sont jamais distribuées en grande surface pour ne pas banaliser et désacraliser leur image de marque) ?
Conclusion
Si toutes les marques se lancent dans des politiques de branding, peu réussissent à créer véritablement une marque cohérente, avec une brand culture riche à laquelle les consommateurs ont envie d’adhérer. Ces « love brands » ont compris que, autant que le produit qu’elles proposent, l’image et la symbolique qu’elle véhicule sont essentiels pour susciter l’adhésion des clients, et les inciter à revenir vers la marque : l’effort et le dépassement de soi pour Nike, l’élégance intemporelle pour Chanel, l’authenticité et un retour à l’enfance pour les biscuits Michel et Augustin, etc. Et il est éclairant de noter que ces « love brands » sont, la plupart du temps, leader incontestable de leur marché…
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