Avec 4 ans de recul, il nous est apparu qu’il fallait changer de paradigme : arrêter de ne considérer le brand content que comme une stratégie éditoriale et préférer la démarche de stratégie culturelle de marque.
La notion de production et de diffusion d’une culture de marque est plus englobante et plus juste du point de vue marketing, que l’idée de marques, qui deviennent des médias ou produisent des contenus.
Quelques exemples de cultures de marques
Lorsque Picard crée et vend un livre de recettes à base d’ingrédients surgelés disponibles dans ses magasins, il s’agit bien d’un contenu de marque. Ce contenu s’ajoute aux hors-séries distribués gratuitement à chaque saison. Ces contenus s’inscrivent dans une culture plus large de cuisine voire de gastronomie à base de surgelés, qui peut donner naissance à des restaurants éphémères ou à bien d’autres contenus. On voit bien à travers cet exemple que ce qui compte c’est la culture développée par Picard, au-delà de ses manifestations diverses.
RedBull produit des contenus muliples à base de VTT, de plongeons, de courses, d’exploits sportifs ou de proto-sports mais RedBull a surtout réussi à créer une culture du sport extrême. IBM a développé une culture autour de l’intelligence informatique, Nature & Découvertes a développé une culture autour de la conscience écologique. Dulux avec Let’s Colour propose d’apporter de la couleur dans la vie des gens en offrant de l’optimisme, de la joie et du bien-être. Cela se traduit par une multitude d’événements, de films, d’initiatives, qui s’inscrivent dans une démarche globale. Les contenus Vuitton autour de l’art de voyager fonctionnent comme un monde complet avec de multiples jeux de correspondances.
Il est toujours intéressant d’identifier les manifestations possibles d’une culture de marque : livres, magazines, vidéos, événements, applications, objets, communautés, etc. Pour comprendre la politique de contenus d’une marque il faut apprécier la culture globale, qui a été élaborée en évitant de se focaliser sur tel élément pris séparément.
Le propre d’une culture est d’être un milieu complet, un ensemble cohérent avec une masse critique. Cette culture est composée de contenus, d’objets, de comportements, de langages, d’œuvres. Une stratégie de contenu de marque ne peut se limiter à la production d’un contenu isolé, fut-il très réussi.
"Les marques n’ont pas vocation à devenir des médias mais plutôt à créer leur culture."
Cette culture doit être en phase avec la culture interne et l’histoire de la marque. En tant qu’agents culturels, les entreprises sont des acteurs privilégiés d’une culture, dans laquelle elles s’inscrivent.
Comme une langue, le succès d’une culture tient au fait qu’elle est partagée. Toute culture étant par essence collective, les marques ont vocation à partager leur culture avec leurs collaborateurs, leurs clients, leurs followers, leurs fans. Cette culture de marque est nécessairement engagée pour susciter l’adhésion. La vitalité du partage est un signe essentiel du succès.
Les conditions de réussite d'une culture de marque
A l’heure où le ROI tend à isoler chaque initiative pour étudier son efficacité, il faut s’interroger sur ce qui fait réellement le succès d’une culture de marque. Une culture de marque se mesure à l’aune de la qualité, de la cohérence, de la pertinence et de la richesse produites. C’est la force du sens construit et la valeur symbolique conférée à la marque qui comptent.
Les méthodes à mobiliser pour accompagner les marques dans leur stratégie culturelle sont plutôt de l’ordre de la recherche culturelle :
- compréhension des spécificités de la culture de la marque : analyse du terreau culturel de la marque et mise à jour des gisements de contenus encapsulés dans la marque.
- étude du milieu culturel dans lequel la marque s’inscrit.
A travers ces études, l’enjeu est d’aider les marques à développer leur stratégie culturelle, puisqu’elles jouent de plus en plus le rôle d’agents culturels. En effet, la marque ne peut plus simplement se contenter d’être appréhendée en terme de « bénéfices » ou de « personnalité » (d’où les limites que rencontre actuellement la publicité traditionnelle). Elle doit en outre proposer un lifestyle, un univers, un modèle culturel, qui pourra répondre au besoin de sens des personnes et faciliter leur identification (et leur attachement) à cette marque. A ce titre, la marque a besoin de construire une culture pour devenir forte (une icône), et renforcer sa dimension aspirationnelle. Pour ce faire, il n’y a pas d’outils plus puissants que la création de contenus émanant de cette culture, quel que soit le format : audio, vidéo, textuel ou événementiel.
Néanmoins, ces contenus ne doivent pas être des opérations isolées, mais, comme nous l’avons dit, s’inscrire dans une politique globale de contenu, que nous appelons ici « stratégie culturelle de marque »
Un dernier point pour conclure : nous pensons qu’il est essentiel d’étudier aussi bien l’histoire de la marque que son milieu culturel environnant, car il faut veiller à ce la culture construite par la marque entre en résonance avec la culture extérieure. Il ne sert à rien de faire de beaux bijoux culturels si la dimension aspirationnelle n’est pas reconnue et partagée par l’audience.
Aurélie Pichard, Matthieu Guével et Daniel Bô après de fructueux échanges avec Jean-Noël Kapferer.
Voici quelques commentaires reçus par mail :
Effectivement on peut considérer qu'une marque est maintenant comme une "maison au sens aristocratique du terme avec un esprit de famille comme par exemple Proust pouvait en décrire chez les Guermantes et que les consommateurs en sont les clients au sens presque antique également du
terme, des fidèles d'une forme d'art de vivre (de philosophie même). En tous cas les marques commenceraient à remplacer ce qu'étaient ces anciennes structures. Odilon Cabat, sémiologue.
Pour moi la production éditoriale des Marques n'a jamais été une démarche en soi puisque ce qui est visé c'est effectivement l'extension ou la déclinaison sous des nouvelles formes du développement de l'hypertexte culturel de la Marque, comme je l'ai exprimé lors de ma conférence à L'IESSE sur le Brand Content et les Marques du Luxe. Le Brand content participe avec des caractéristiques particulières et particulièrement riches en puissance à l'hypertexte de Marque comme tout ce que produit la Marque d'ailleurs. Le Brand Content comme un des vecteurs de la Brand culture. Pascal Somarriba
Merci pour votre article ! C'est une beau point de vue que cette "culture de marque" dont vous parlez. Et avec lui, comment ne pas sensibiliser davantage les premiers porteurs de la marque, soit ceux qui lui ont donné vie, ceux qui la font vivre aujourd'hui et qui préparent son avenir chaque jour ? C'est peut-être avec ces termes si accessibles que l'on pourra libérer ses initiatives plus uniques, originales ( dans les deux sens du terme) et ainsi transmettre sa culture. Pour que chaque contact avec la marque, d'une simple main tendue vers un de ses produits, à une conversation avec un de ses conseillers et quelque soit le média, soit l'occasion pour chacun et chacune de se remémorer un élément de patrimoine, une expérience passée, avec cette marque et ceux qui l'aiment. En cela, les réseaux sociaux me semblent réellement pertinents. Nous y partageons nos émotions, nos élans, nos conseils, nos photos nos vidéos, bref, des briques qui finissent par tisser une toile (!) de notre existence, de notre culture. La revoilà donc, cette fameuse culture. Peut-être qu'un jour ou l'autre, les marques sauront libérer leur parole, sur elles-mêmes, pour être enfin plus humaines, et révéler que derrière elles, il y a la richesse d'une entreprise, ses hommes, qui ont tant de choses à raconter.
Rédigé par : Nancy Kattau | 17 janvier 2011 à 22:57