A la demande de la revue des Marques, dont le prochain numéro (parution en avril) porte sur l'accessibilité, nous avons rédigé un article avec Matthieu Guével. Voici un extrait de ce white paper, qui détaille comment le brand content modifie la relation entre la marque et ses publics, selon que les contenus sont consultés, partagés voire créés ou co-réalisés par les consommateurs eux-mêmes.
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Le Brand Content affecte en profondeur la façon de concevoir et de percevoir la communication. Il affecte aussi la nature de la relation que les marques peuvent espérer construire avec leurs consommateurs ou plutôt faudrait-il dire leur public. C’est le sujet sur lequel nous aimerions nous attarder dans les pages qui suivent.
Une relation digne de ce nom : riche, désintéressée, unique
La mise à disposition de contenus éditoriaux (gratuits ou payants) modifie d’abord la nature de la relation que nous pouvons avoir avec les marques. Le contenu élargit la relation au-delà de la dimension marchande. La plupart du temps en effet nous n’entretenons avec les marques que des relations d’achat. Les « programmes relationnels » définis par les entreprises portent essentiellement sur cet aspect là : le prix, les points fidélités, etc. Ce n’est pas forcément inintéressant ou dégradant. Mais ce type de relation reste limitative, un peu comme lorsque nous disons que nous avons des « relations professionnelles » avec quelqu’un pour bien faire comprendre que ce n’est pas un ami, ou lorsqu’on parle de « relations sexuelles » au lieu de « faire l’amour ». La dimension commerciale reste une base très étroite pour établir un contact, bâtir une relation dans la durée, résistante aux aléas. Aborder la relation uniquement sous cet angle freine les possibilités de s’adresser à des prospects qui seraient déjà satisfaits des prestations commerciales d’un concurrent, et fragilise la relation avec ses clients volages uniquement intéressés par le prix et le service.
Un message publicitaire consacré aux performances d’une couche culotte reste centré sur une relation commerciale. Le contenu est un moyen exceptionnel d’élargir ce lien et de le rendre du même coup plus solide, plus affectif, plus profond. En proposant un contenu documentaire réalisé avec des scientifiques sur la façon dont les bébés perçoivent le monde dans le ventre de la mère, la marque Pampers crée une relation de proximité. La marque multiplie les points de contact psychologiques avec la cible en s’adressant à la mère, à la personne entière et non uniquement à l’acheteuse de couches. Elle fait un don et entre en relation avant même que le bébé soit né. Comme toute vraie relation humaine, le contenu a un intérêt en soi, indépendamment de l’achat (nous disons que le contenu doit être intéressant avant d’être intéressé, comme toute relation que l’on veut durable d’ailleurs). Cette relation peut en outre s’installer dans la durée avec une diffusion progressive de plusieurs contenus envoyés tout au long de la grossesse. Nous y reviendrons.
Une relation authentique avec des personnes
Un autre exemple de la façon dont les contenus favorisent une relation plus authentique et donnent accès aux marques. Un classique de la publicité consiste à associer un produit à une grande star, comme Nespresso avec George Clooney. Ce modèle a de nombreux avantages pour émerger, créer de l’intérêt et même établir un contact. Mais nul ne peut espérer créer une relation avec M. Clooney, qui est inaccessible. Une des techniques consiste à mettre en scène des anonymes ou des « vrais gens » comme dans la dernière campagne Windows 7 pour créer un sentiment de proximité avec le consommateur. On se dit que le client « se reconnaîtra ». Ces tentatives ont cependant souvent quelque chose d’artificiel (et les consommateurs n’en sont pas dupes) car ces gens restent des anonymes. On ne nous donne accès à aucun fait vrai, aucune épaisseur psychologique qui nous ferait chercher en relation avec eux. Ils ne sont pas des personnes, ils sont personne, nobody.
Le contenu de marque est un moyen de donner chair à des vraies personnes, qui ont leur propre parcours et offrent une plus grande surface de projection. Le site Nespresso propose d’aller à la rencontre de ses experts, comme Alexis, Responsable café vert ou encore Juan Diego, agronome et producteur au Costa Rica, qui nous expliquent avec passion leurs parcours, leurs méthodes, leurs gestes. Ces interviews favorisent une relation riche avec Nespresso qui repose sur de multiples ancrages (l’histoire, la philosophie, le souci de perfection, le geste de savoir-faire, etc).
Les marques emploient trop souvent le nom de « relations » de façon abusive, pour qualifier de simples contacts ou des rapports assez limités. Au contraire nos relations amicales, amoureuses ou sociales s’appuient sur de multiples ancrages (affinité psychologiques, goûts artistiques, soutien dans l’adversité, communauté de valeurs…) et elles évoluent au fil du temps. En expliquant mieux les intentions et les passions de la marque, en donnant la parole aux hommes et aux femmes qui la font, le brand content permet de réunir quelques-unes de ces conditions minimales grâce à une production éditoriale parfois très riche.
Louis Vuitton est passé maître dans cette discipline, avec une grande diversité de supports, livres, films et interviews sur le thème du voyage. Sur le site journeys.louisvuitton.com, lorsque Catherine Deneuve nous raconte sa joie de rentrer de voyage en apercevant les cèdres du Liban de Roissy, lorsque Keith Richards nous donne sa recette de la tarte aux oignons de sa mère. Ce sont autant de « petits faits vrais », qui apportent une crédibilité et un ancrage uniques, qui ouvrent la voie à une empathie et une relation potentielle avec la marque comme entremetteuse ou médiateur de rencontres. Les interviews des créateurs créent aussi un lien très fort avec les marques. Lorsque Hermès interviewe sur son site Jean-Claude Elena, le « nez » de la maison, sur les secrets de fabrication du parfum « Calèche », ses hypothèses de travail, l’odeur des ateliers de cuir, il multiplie les liens à la marque (l’origine du parfum, la personnalité de son créateur, la connexion avec l’univers Hermès, etc) et les ancrages à partir desquels chacun pourra se projeter. Une vraie relation est toujours une relation unique : la multiplicité des paramètres en jeu implique que nous avons chacun – et pensons avoir – une relation unique avec notre entourage. En multipliant les points d’accès à la marque, la marque déploie un réseau qui permet à chaque consommateur d’imaginer qu’il emprunte un chemin unique vers la marque, qu’il en a sa vision personnelle, qui n’est pas standardisée autour de la promesse produit et du prix.
Une relation directe
La création d’un contenu par les marques leur permet également de créer une relation directe, qui ne passe plus (ou passe moins) par l’intermédiaire d’un tiers (médias traditionnels, site d’achat) et que les marques peuvent contrôler. Habituellement, il n’y a guère que dans la boutique ou sur le site de la marque que le consommateur peut entretenir un rapport direct avec elle. Encore ce rapport est-il ponctuel et il faut une raison de se rendre en boutique (achat, événement spécial) ou sur le site. La mise à disposition d’un contenu intéressant par la marque lui permet d’attirer son public sur des supports qu’elle maîtrise totalement. La marque construit sa propre actualité éditoriale et impose en partie son calendrier. C’est le cas par exemple du lancement d’un mini film Lady Noire, suivi quelques mois plus tard d’un clip Lady rouge avec une chanson composée par Franz Ferdinand.
Les marques ne sont pas toutes capables de créer des audiences fortes. Pour celles qui le peuvent, la création d’un contenu autonome permet de maîtriser la qualité de l’interaction et d’instaurer un vrai dialogue en face-à-face, dans le temps, au lieu d’une interaction par-dessus l’épaule d’un intermédiaire dans un environnement plus ou moins pollué par le bruit extérieur. La création d’une relation directe permet d’internaliser et d’enrichir toute une série d’informations relatives à sa clientèle (durée de fréquentation, profil des visiteurs, efficacité et impact sur les ventes, emails qui viennent enrichir les bases de données) et de se servir du contenu comme levier pour une meilleure compréhension des consommateurs. Les données relatives à la fréquentation du contenu sont aussi intéressantes pour les marques, puisqu’elles donnent des informations sur les éléments les plus appréciés, les informations recherchées, etc.
Une relation suivie
Une relation n’est pas une simple succession de contacts. Nous ne disons pas que nous avons une relation avec quelqu’un qui nous relance périodiquement avec les mêmes formules stéréotypées pour renouveler un abonnement au gaz. C’est le fonctionnement de la publicité : un contact ponctuel et précaire à renouveler chaque fois. Une vraie relation suppose de pouvoir établir un lien suivi entre les différents contacts dans une histoire continue. On ne redémarre pas de zéro à chaque fois que l’on se croise, on se reconnaît. Nous disons alors que nous avons « de vieilles relations » ou des « relations suivies ». Lorsqu’il prend la forme d’une saga ou d’une histoire comme dans les cas Leroy Merlin, Lady Dior ou Vuitton, le brand content peut atteindre ce niveau relationnel (le mot latin relatio ne signifie-t-il pas « histoire », « récit » ?).
Les maisons de luxe regorgent de savoir faire et de contenus sur l’histoire de leur métier ou de leur marque. La majorité de ces contenus reste inconnue du grand public : la presse peut difficilement en rendre compte, et seuls les initiés peuvent y avoir accès. La mise à disposition de ces contenus, interviews de créateurs, reportage sur les métiers mis en ligne sur Internet est une opportunité de créer des accès réguliers à la marque, de pénétrer l’envers du décor et derrière la vitrine.
Une relation réciproque. Le partage de contenus et la co-création avec le public
Toute vraie relation suppose une action réciproque. Le lien sera d’autant plus fort si le public partage autour des contenus, peut lui-même participer à leur création ou s’en servir pour enrichir leurs propres relations privées. De plus en plus de marques mettent leurs contenus à disposition des réseaux sociaux afin que les consommateurs puissent commenter, échanger autour des contenus. Le contenu devient un ingrédient indispensable à l’animation des réseaux sociaux. Le cas Axe Muchas Maracas l’illustre bien. Il s’agissait de lancer une danse de l’été 2009 avec une chanson originale « qui a les plus grosses maracas ? », un clip avec une chorégraphie. Le clip s’est hissé très vite en tête des vidéos sur Youtube, et surtout les gens se sont réappropriés la chorégraphie : ils l’ont dansé dans les campings, les fêtes de fin d’année, en se filmant eux-mêmes et postant leurs vidéos sur les plateformes de partage. C’est la force du bon contenu : il est réapproprié et se dissémine partout sous des formes imprévisibles au départ.
Des entreprises comme Eyeka se sont spécialisées dans l’appel à projet en s’appuyant sur un réseau de volontaires motivés pour contribuer et nourrir la marque en contenus. La communauté Eyeka était invitée dernièrement à réaliser des vidéos sur le thème de l’hybride pour tous (pour la marque Honda).
Les contenus peuvent être le pivot d’un échange renforcé entre la marque et les consommateurs. La marque Audi souhaitait animer sa relation client et nourrir son programme de fidélisation en offrant aux propriétaires d’un véhicule Audi des contenus exclusifs de qualité. Après le succès de l’opération menée avec Béatrice Ardisson « Take me for a ride » avec DDB Entertainment, la marque a signé en avril 2009 un partenariat annuel avec U Think ! filiale d’Universal Music. L’objectif de cette association est pour Audi d’obtenir des contenus de haute qualité et pouvoir les offrir à ses clients privilégiés. La plate forme www.myaudi.fr réservée à 30 000 membres parmi les clients les plus fidèles de la marque donne accès à des programmes musicaux inédits (coulisses de concerts, clips en exclusivité, vidéos rares, interviews, etc.). La marque peut en outre offrir des invitations VIP à des concerts et des événements privés. Le partenariat couvre également la 3e édition du programme Audi Talents Awards avec Thomas Dutronc comme membre du jury pour l’année 2009.
Une relation naturelle
Enfin, le contenu éditorial est aussi un moyen légitime de justifier une prise de parole, d’appuyer une politique de relance, de CRM. Les experts insistent largement sur l’importance du dialogue, et la nécessité qu’ont les marques d’engager des conversations au lieu d’asséner leurs monologues à des cibles passives. Encore faut-il avoir des sujets de conversation. Lorsque les marques peuvent s’appuyer sur la parution d’un magazine, de films, de journaux, offrir un contenu intéressant pour leur public, elles tiennent un moyen de s’adresser aux consommateurs d’une façon naturelle et spontanée. Du moins en théorie car le plus difficile reste à faire : définir une ligne éditoriale, une offre de programmes, des contenus adaptés à chaque marque, au cas par cas, dans la durée.
Matthieu Guével et Daniel Bô.
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Rédigé par : Canada Goose Outlet | 03 octobre 2011 à 12:16