Pour bien comprendre l’enjeu de l’expression éditoriale de marque, il m’a semblé intéressant de vous faire partager mon expérience personnelle de président de l’institut d’études QualiQuanti.
J’ai toujours pensé que mon métier, les études, était un cousin du journalisme. Le point commun de ces deux professions, c’est l’investigation, avec un avantage en termes de moyens pour les études : alors qu’une étude marketing bénéficie d’un budget souvent de plus de 30 K€, les moyens journalistiques sont limités par un prix au feuillet. En échange, le journalisme a l’avantage des moyens de diffusion, avec des capacités de vulgarisation que n’a pas un institut d’études.
Contenu professionnel et blog d’expert
Dans l’univers professionnel, j’ai toujours trouvé très intéressante cette tradition américaine des « white papers » (livres blancs), qui peuvent être de très bonne qualité. Le principe de publier gratuitement des contenus est inscrit dans cette notion de blancheur (la blancheur de la gratuité et du désintéressement). Je suis par ailleurs tombé un jour sur un « testament scientifique » d’un chercheur à la retraite du CNRS, qui m’a fait prendre conscience qu’on pouvait passer le relais à d’autres via le Web.
Après une conférence de Loïc Lemeur sur les blogs, il m’est apparu évident que je devais me lancer. Ce bloggeur reconnu avait insisté sur l’importance de couvrir un domaine hyper-spécialisé. J’ai décidé de lancer simultanément deux blogs bien différenciés : l’un sur les méthodologies d’études, l’autre sur le marketing média, car ces deux sujets n’intéressent pas les mêmes publics, et un mélange aurait créé de la confusion. Les retours de Google analytics m’ont confirmé l’importance de l’hyperspécialisation, car les mots clés tapés diffèrent totalement d’un blog à l’autre. Le blog sur les méthodologies d'études a toute sa raison d’être parce qu’aucun média n'accordait assez de place à ce thème. De plus, les journalistes qui traitent ce sujet n'ont jamais pratiqué le métier des études et en donnent une vision extérieure.
Dans ce blog sur les méthodologies, certains articles ont pu nous prendre plusieurs dizaines d'heures (par exemple, une note de lecture de 20 pages écrite par Matthieu Guével sur un livre consacré à l'histoire des sondages) ; un tel investissement n’est pas envisageable pour un journaliste, a fortiori pigiste. Il y a des sujets tabous ou jamais traités, tels que l'instrumentalisation des consommateurs lors des enquêtes téléphoniques, ou bien encore la rentabilité des études. Ce blog n'a fait que renforcer l’expertise et la crédibilité de QualiQuanti sur les questions méthodologiques. Les contenus de ces blogs ont été rassemblés dans deux livres blancs consacrés aux études en ligne et aux méthodologies en général. Cette démarche éditoriale a donné une très forte visibilité dans le secteur des études et sur Google et a permis d'attirer des candidats en adéquation avec nos besoins et de rencontrer des prospects "avec un a priori positif". Sur le même principe, a été mis place voici un an un autre blog sur l'analyse sémiologique, qui diffuse des extraits et des résultats d'analyse. J'ai écrit un article sur les l'inutilité d'une approche strictement publicitaire pour un institut d'études et sur les différents contenus mobilisables en BtoB.
Le territoire du brand content
Le sujet du brand content, sur lequel nous intervenons depuis longtemps, est l'illustration idéale du potentiel d'extension du territoire éditorial. Travaillant depuis 20 ans sur l'étude des médias et des marques, ayant mené successivement des études sur le parrainage, le placement de produit, le publi-rédactionnel, les formats publicitaires, ce sujet était évident tant nous l’avions étudié sous toutes les coutures. A chaque article de ce blog, 20 ans d'expériences peuvent être mobilisés. D'une manière plus générale, on peut considérer qu'une politique d'étude soutenue permet à des marques de prendre la parole sur les sujets appréhendés et d'avoir de l'influence dans ces domaines. Si elle s'en donne les moyens (avec une politique de contenus démultipliés qui peut passer par des études), une entreprise a la capacité "d'envahir" un sujet sur le web.
Dans le cas du brand content, notre prise de position médiatique est le résultat d'une opportunité. A la suite d’une étude réalisée en partenariat avec Havas Entertainment, un blog a été lancé à l'adresse www.brandcontent.fr. La démarche a été complétée par le lancement d'un livre à l'initiative de Matthieu Guével, qui est sorti chez Dunod en octobre 2009. Pour traiter correctement de ce sujet, il est apparu évident qu'il fallait recenser les acteurs (avec un annuaire), initier un grand prix puis monter un observatoire. Les journaux légitimes (CB News et Stratégies) évoquent régulièrement des exemples de brand content, mais n'ont pas entrepris de démarche systématique comme nous avons pu le faire - l'hyperspécialisation est une voie royale pour les contenus de marques, car les médias classiques ont du mal à l'occuper. Aujourd'hui, notre position privilégiée autour du brand content nous oblige tous les jours à mettre « la barre assez haut » et à investir dans le contenu. Le fait d'avoir expérimenté une politique de contenus nous permet d'autant mieux de conseiller ceux qui souhaitent s'y aventurer.
La communauté du brand content
Toutes ces recherches mais aussi les diverses conférences auxquelles nous avons participé nous ont permis de connaître beaucoup d'acteurs de ce nouveau métier. Nous avons pu rencontrer avec grand plaisir des gens passionnés et pionniers dans leur domaine. Le livre a été l'occasion de donner la parole à plus d'une vingtaine d'experts. Pour bien appréhender ce sujet complexe, il est essentiel d'échanger en permanence avec les acteurs dans leur diversité (producteurs, agences, médias, annonceurs). Notre position neutre en tant qu'observateur-testeur facilite cette prise en compte des divers points de vue. Le prolongement naturel de cette démarche se situe aujourd'hui dans l'animation des réseaux sociaux et physiques du brand content. Nous avons commencé en organisant quelques événements festifs puis en initiant le groupe Facebook. Poussés par plusieurs acteurs, nous nous sommes lancés dans la création du Club du Brand Content. Toute cette démarche est avant tout désintéressée et, pour QualiQuanti aujourd'hui, le brand content est plus un hobby qu'un business.
La nécessaire implication
Ce qui est certain, c'est que l’on ne sort pas indemne d'une démarche de production de contenus. L'investissement, l'implication, l'engagement, l'ambition sont des conditions de réussite. En retour, les bénéfices acquis vont bien au-delà des retombées commerciales. Cela permet notamment de sortir du jeu de rôle strictement commercial et d'apparaître comme un individu avec des centres d'intérêt plutôt que comme un "vendeur d'études marketing". La production de contenus n'est pas un mode de communication de plus, mais bien un changement de paradigme, qui vous oblige à vous engager dans une démarche citoyenne de partage et d'ouverture. Il ne faut pas être obsédé par le retour sur investissement, mais il est clair que les retombées d'une politique de contenu généreuse et de qualité sont très importantes : valorisation d'expertise, visibilité, invitations et reprises, rencontres riches et passionnantes, remontées spontanées de questions et de retours d'expériences, facilitateur de contacts, développement d'un savoir-faire contenu et référencement, activité de recherche très stimulante, mobilisation interne, anticipation de nouvelles activités, etc
A moyen terme, le brand content s'annonce comme un gisement d'études, pour lesquelles, nos 20 ans d'expertise sur les médias et la communication, seront très utiles. Nous avons aussi le projet de publier des livres blancs thématiques (ex : brand content et luxe ou marques et musique) et envisageons différents types de partenariats. Nous aimerions décliner l'expérience vécue autour du brand content sur d'autres thématiques en aidant des annonceurs ou des agences à prendre des positions privilégiées sur des thématiques de pointe. L'idée est d'être un acteur du Content Marketing (voir la présentation sur le marketing par les contenus) sur des domaines tels que les médias, le luxe ou la communication des marques. Notre objectif 2010 est de développer la dimension internationale de l'expertise et de la visibilité autour du brand content avec des partenaires.
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