Lors du lancement de notre livre sur le brand content, nous avons réalisé des interviews vidéo d'une quinzaine d'acteurs, qui seront mises en ligne début 2010. En attendant cette diffusion, voici le témoignage de Pascal Somarriba sur la liberté éditoriale des marques.
Pascal exerce une double activité dans son entreprise, Via Alternativa :
- Aider les médias et les plateformes de médias à être des marques différenciées, fortes et désirables
- Aider les marques, qui sont des médias qui s’ignorent, à développer une politique de contenus à partir d'un positionnement éditorial
L'activité et l'expérience du conseil aux médias bénéficient aux marques et réciproquement.
Pascal défend le point de vue un peu provocateur que les marques ont le potentiel pour être plus innovantes et produire des contenus d'une qualité plus exceptionnelle que les médias. Il part du constat que les médias ont des contraintes qui les empêchent d'être à la pointe du contenu. Les médias qu’on imagine libres ne sont pas si libres.
- Tout d'abord, les médias sont très formatés et visent à réunir un maximum de personnes. Cela amène une frilosité à innover les types de discours, de langage, etc
- Ensuite, les actionnaires des médias ont souvent des intérêts très proches des Etats et sont tributaires d’annonceurs, toujours susceptibles de les boycotter.
Selon Pascal Somarriba, on part du principe que les médias ont une liberté totale de parler de tout (de choses sérieuses, de choses graves) et que les marques n’ont pas le droit de le faire. C’est inexact même si cette idée reçue est imprégnée dans les esprits. Les médias ont acquis cette légitimité avec le temps ; il n’y a pas de raison pour que les marques ne puissent l’obtenir à leur tour.
Partant de son expérience de directeur de la communication Monde de Benetton, Pascal S. précise qu'une marque, si elle est internationale, bénéficie d’une plus grande liberté. Benetton pouvait se permettre un discours ouvert, y compris dérangeant pour les gouvernants du pays d’origine, dont elle s’était affranchie d’éventuelles pressions. Les marques multinationales possèdent des antennes dans le monde entier – 150 pays pour Mercedes et pour Benetton -, contrairement aux gros médias. Cela leur permet d’avoir des relais locaux et une intelligence tout à fait exceptionnelle.
Selon Pascal, les marques sont encore plus libres que les médias, mais elles ne se sentent pas encore légitimes. Pour s’exprimer, elles doivent explorer des territoires thématiques pertinents.
J'ajoute qu'il faut qu'elles délivrent un contenu si exceptionnel qu'il en devienne incontestable. Pour réaliser cette performance éditoriale, les marques disposent d’au moins deux atouts :- Elles peuvent mobiliser des moyens importants sur un contenu limité, à l'heure où les médias rencontrent des difficultés à financer un flux de contenu massif. Elles n'ont pas cette obligation de remplissage imposée aux médias classiques.
- Leurs expertises sont fortes autour de leur domaine d'activité. Heineken est très bien placé pour faire un magazine sur les points de vente de boisson, de même que Leroy Merlin est forcément pointu dans le domaine du bricolage. C’est ainsi que la webtv d'Accenture destinée aux DSI a damé le pion à la presse informatique.
L'enjeu est, pour Pascal S., de répondre aux attentes éditoriales des consommateurs et d'occuper les territoires thématiques avec une prime aux premiers entrants. Quand un sujet a été balisé par une marque et qu’elle se l’est approprié de belle manière, cela devient difficile de lui prendre la place.
Avis aux pionniers de la conquête éditoriale !
Voici le commentaire de Pascal Somarriba suite à l'article :
En effet, nous aimons dire, "une bonne marque est un média qui s'ignore" tout simplement par manque d'opportunité ou de méthode d'exploration des éléments ou potentiels "éditoriaux" de son ADN.
Cependant pour atteindre une vraie qualité éditoriale, quels qu'en soient les supports, approches et thèmes, elle doit adopter des principes fondamentalement différents de la démarche publicitaire et qui est en bien des points celle qui a construit les grandes marques média ;
- un thème d'expertise intéressant pour une cible déterminée
- une ligne ou approche spécifique si possible différenciée et fraiche
- le courage devant les réactions pas toujours positives face au fond ou à la forme des éléments exprimés.
Bref le potentiel est là et la conversion est en grande partie à faire.
Les entreprises ayant compris que, du fait d'internet, la relation avec les consommateurs ne peux plus se contenter de messages contrôlés jusqu'à la désinformation (l'information partielle ou exclusivement axée sur des bénéfices réels ou imaginés) peuvent aisément comprendre que leur attractivité peut être accrue justement du fait d'une ouverture (création de textes plus ouverts) d'un vrai dialogisme avec les consommateurs.
La légitimité éditoriale des marques, même sur des thèmes polémiques (mais pas forcément) n’est donc pas donnée ; elle existe en potentialité et ne sera convertie que sur la base d’une démarche plus ouverte de la part des marques. Nous pensons qu’il y a là une vraie opportunité de différenciation de grande valeur à développer.
Voici un complément suite à un échange informel avec une journaliste beauté d'un magazine féminin :
Plus que jamais avec la crise, les journalistes veillent à ne pas froisser les marques dans leurs articles. Lorsqu'un produit ne plait pas, le principe est de ne pas en parler plutôt que de le critiquer. On fait attention à ce que tous les annonceurs soit présents dans les exemples traités sans oublier Nivéa ou L'Oréal. On voit avec la régie quelles sont les marques qui ont prévu d'annoncer dans le numéro pour ne pas commettre d'impair. Rappelons que le magazine Frou-Frou est mort publicitairement pour avoir dit (de manière un peu légère certe) d'une marque qu'elle donnait des boutons. La marque a alors réuni tous ses confrères annonceurs et organisé un boycott.
On peut aussi parler des suppléments thématiques édités uniquement dans un objectif publicitaire et qui ressemblent à des catalogues promotionnels. Les suppléments cadeaux, high-tech, montres, bijoux, stations de sports d'hiver, etc fleurissent en cette période d'avant-noël.
Cette problématique du manque de liberté des médias dépasse largement la cosmétique et j'invite les lecteurs à compléter par d'autres exemples en BtoB ou en presse grand public.
Voici un commentaire de Simon Hénault, journaliste canadien dans un article sur le content marketing :
Je suis persuadé que plusieurs moyennes et grandes entreprises canadiennes prendront la relève de certains journaux et revues. Si les médias traditionnels n’offrent plus l’information que les gens recherchent (parce que les annonceurs se font de plus en plus rares), les entreprises combleront ce vide. Par le fait même, elles prendront part à leur communauté et deviendront des acteurs crédibles et appréciés. En fait, le phénomène est déjà en branle. En fait, plusieurs entreprises US se sont munies d’une équipe éditoriale, parfois émanant de l’acquisition d’un journal en diffulté. Selon l’Association of Publishing Agencies, sept des dix plus grands tirages de magazines au UK proviennent non pas d’éditeurs, mais bien d’entreprises à autre vocation (pour consulter des études de cas : www.apa.co.uk/showcase).
En effet, nous aimons dire, "une bonne marque est un média qui s'ignore" tout simplement par manque d'opportunité ou de méthode d'exploration des éléments ou potentiels "éditoriaux" de son ADN. Cependant pour atteindre une vraie qualité éditoriale quels qu'en soient les supports, approches et thèmes elle doit adopter des principes fondamentalement différents de la démarche publicitaire et qui est en bien des points celle qui a construit les grandes marques média ; un thème d'expertise intéressant pour une cible déterminée, une ligne ou approche spécifique si possible différenciée et fraiche, le courage devant les réactions pas toujours positives face au fond ou à la forme des éléments exprimés. Bref le potentiel est là et la conversion est en grande partie à faire. Les entreprises ayant compris que du fait d'internet, la relation avec les consommateurs ne peux plus se contenter de messages contrôlés jusqu'à la désinformation (l'information partielle ou exclusivement axée sur des bénéfices réels ou imaginés) peuvent aisément comprendre que leur attractivité peut être accrue justement du fait d'une ouverture (création de textes plus ouverts) d'un vrai dialogisme avec les consommateurs. La légitimité éditoriale des marques, même sur des thèmes polémiques (mais pas forcément) n’est donc pas donnée ; elle existe en potentialité et ne sera convertie que sur la base d’une démarche plus ouverte de la part des marques. Nous pensons qu’il ya là une vraie opportunité de différenciation de grande valeur à développer
Rédigé par : Pascal Somarriba | 04 décembre 2009 à 20:18